Investing.com - La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a déclaré mardi qu'il était urgent que les pays du G7 saisissent ensemble les bénéfices des avoirs russes gelés et les redirigent vers l'Ukraine, alors que le groupe s'apprête à se réunir sur la question.
Rappelons que les appels se multiplient ces derniers mois aux États-Unis et en Europe en faveur de la création d'un fonds pour l'Ukraine utilisant les milliards de dollars de comptes bancaires, d'investissements et d'autres actifs gelés par l'Occident à la suite de l'invasion de la Russie en 2022.
Les réserves gelées de la Russie pour l’instant restés intacts, et simplement gelés, mais sont vus désormais comme une solution utile à l'affaiblissement du soutien international à Kiev, alors que qu'un nouveau programme américain de 60 milliards de dollars est toujours bloqué au Congrès.
"Il est nécessaire et urgent que notre coalition trouve un moyen de débloquer la valeur de ces actifs immobilisés pour soutenir la résistance continue de l'Ukraine et sa reconstruction à long terme", a déclaré Mme Yellen aux journalistes lors d’une réunion des ministres des Finances du G20.
"Il existe de solides arguments juridiques, économiques et moraux au niveau international pour aller de l'avant. Ce serait une réponse décisive à la menace sans précédent que la Russie fait peser sur la stabilité mondiale. Elle montrerait clairement que la Russie ne peut pas gagner en prolongeant la guerre et l'inciterait à s'asseoir à la table des négociations pour parvenir à une paix juste avec l'Ukraine".
Mme Yellen a par ailleurs appelé le Groupe des Sept à agir conjointement après avoir évalué les risques, notamment celui de déclencher une instabilité financière.
"Le G7 devrait travailler ensemble pour explorer un certain nombre d'approches : saisir les actifs eux-mêmes, les utiliser comme garantie pour emprunter sur les marchés mondiaux", a-t-elle déclaré.
Cette situation a braqué les projecteurs sur les quelque 397 milliards de dollars d'actifs russes gelés par l'Occident, qui vont des avoirs de la banque centrale aux yachts, biens immobiliers et autres propriétés d'oligarques proches du président Vladimir Poutine.
Toutefois, cette décision comporte des risques, notamment la possibilité d'une action en justice de la part de la Russie.
A ce propos, on notera qu’un porte-parole de la Russie s'est déjà opposé à un plan d'endettement du G7 qui utiliserait ces actifs comme garantie, en indiquant que Moscou répondrait par des actions en justice si cela se produisait.
Un autre risque majeur réside dans la possibilité d'effrayer d'autres pays, comme la Chine, et de les inciter à réduire leurs propres investissements en Occident, par crainte d'une action similaire.
Mme Yellen a déclaré qu'il y aurait un risque pour la stabilité financière "s'il y avait un déplacement massif des devises" des pays occidentaux en réponse à la saisie des fonds russes. Elle a toutefois précisé que ce risque était minime si les pays du G7 agissaient de concert.
"Je pense que (l'instabilité financière) est extrêmement improbable, en particulier compte tenu du caractère unique de cette situation, où la Russie viole effrontément les normes internationales et où un groupe de pays représentant la moitié de l'économie mondiale (...) a la capacité de travailler ensemble", a-t-elle déclaré.
"D'un point de vue réaliste, il n'y a pas d'alternatives au dollar, à l'euro et aux autres monnaies du G7 sur les marchés internationaux”, a-t-elle ajouté.
Or, bien qu’il n’y ait effectivement pas d’alternative viable, pour l’instant, cela n’empêche pas la situation de pousser le monde vers la dédollarisation.
À ce propos, on notera que dans ce qui semblait être une réponse aux propos de Yellen, le ministre russe des Finances, Anton Siluanov, a déclaré à un service de presse d'État, que la saisie potentielle des avoirs gelés de la Russie érode la confiance mondiale dans les principales monnaies occidentales.
"Les Chinois réduisent leur participation dans les titres américains - c'est une conséquence de ce qui se passe", a-t-il déclaré dans une interview accordée à RIA Novosti. "La fiabilité du dollar et de l'euro a été mise à mal”, a-t-il ajouté.
Et il est vrai que le gel des avoirs russes est depuis longtemps un facteur cité pour expliquer la tendance croissante à la dédollarisation, de nombreux pays diversifiant leurs réserves en s'éloignant du billet vert américain et en se tournant vers des alternatives telles que l'or, pour éviter le sort de la Russie s’ils se retrouvent un jour du mauvais côté de la barrière.
Or, si le G7 passe du gel à la saisie, cette tendance à la dédollarisation pourrait largement s’accélérer, d’autant plus qu’au-delà du problème de l’utilisation politique et militaire du dollar, il y a également le problème de la dette US massive, qui menace l’économie et la solvabilité des États-Unis.
***