François Hollande et Angela Merkel se sont évertués jeudi à Paris présenter un front uni face au chômage et à la récession en Europe même si la chancelière s'est montrée inflexible sur la discipline budgétaire alors que le président français avait durement recadré Bruxelles.
"Nous sommes convenus que la commission donnait à la France deux ans de plus de temps pour atteindre l'objectif d'un déficit public ramené à 3% (du PIB) mais que ce délai était couplé -et le président français l'a lui-même confirmé- à des réformes" structurelles en France, a souligné Mme Merkel.
"Les deux vont de paire", a-t-elle insisté, soulignant que l'on "peut encore davantage réduire les déficits lorsque, simultanément, la compétitivité s'accroît".
Aux côtés de la chancelière lors d'une conférence de presse à l'Elysée, François Hollande a protesté pour sa part de sa bonne volonté.
S'adressant aux "journalistes" allemands, le chef de l'Etat, les a exhortés: "Cessez de penser que la France voudrait échapper à ses disciplines budgétaires", que "nous ne voulons pas nous préoccuper du marché du travail" ou que "nous ne comprenons l'exigence de la compétitivité".
Mercredi, le président français avait déclaré que Bruxelles n'avait "pas à dicter" à la France ce qu'elle a "à faire", en réagissant aux recommandations de la Commission qui suggérait à Paris d'entamer dès cette année la réforme des retraites mais aussi de son marché du travail.
"Le détail, les procédures, les manières de faire relèvent de la responsabilité du gouvernement (français) et de l'Etat sinon il n'y aurait pas de souveraineté possible", a-t-il encore insisté jeudi, en insistant sur le fait que Paris avait déjà engagé les réformes.
Les deux dirigeants n'en n'ont pas moins accordé leurs violons sur une "contribution franco-allemande" au prochain Sommet européen prévu les 27 et 28 juin, la première du genre depuis l'arrivée au pouvoir de François Hollande, il y a un peu plus d'un an.
L'emploi et, singulièrement, l'emploi des jeunes, sera au coeur de ce sommet qui portera aussi sur les questions économiques, la croissance et la compétitivité.
Eurogroupe: "président à temps plein"
Proposition phare de la contribution franco-allemande qui sera soumise aux 25 autres membres de l'Union européenne : la nomination d'un "président à temps plein de l'Eurogroupe (la réunion périodique informelle des ministres des Finances de la zone euro, NDLR) disposant de moyens renforcés".
Ce président "pourrait être mandaté par les ministres de la zone euro pour favoriser l'action dans le domaine de l'emploi, de la recherche ou de l'industrie", a précisé François Hollande.
Quant à Mme Merkel, elle a appelé à "davantage de coordination économique" et de "coopération" entre les membres de l'Eurogroupe et "tous ceux qui veulent se joindre à eux".
Interrogé par ailleurs sur le bond du chômage enregistré en avril en France, avec près de 40.000 demandeurs d'emploi supplémentaires et un nouveau record absolu à la clef, le président Hollande a maintenu son objectif d'inverser la courbe du chômage fin 2013 "malgré ces chiffres".
Pour lui, deux "spécificités" françaises l'expliquent: "le manque de solidarité envers les jeunes et les seniors" et le "défaut de compétitivité".
La chancelière a alors repris la parole pour observer qu'"il y a 10 ans l'Allemagne était l'homme malade de l'Europe" alors qu'aujourd'hui "nous n'avons jamais eu autant de personnes qui ont un emploi même si certains jugent que les salaires ne sont pas assez élevés".
"Vaut-il mieux qu'un jeune ait un emploi ou pas du tout?", a-t-elle interrogée.
Ferme sur ses fondamentaux, Angela Merkel a opposé une fin de non recevoir aux souhaits français d'une relance de la consommation intérieure en Allemagne pour soutenir la croissance européenne: "Si l'Allemagne avait des salaires plus élevés, elle ne pourrait pas exporter davantage, et le chômage augmenterait de nouveau ce dont personne ne profiterait".
Les deux dirigeants se sont vus également remettre le rapport de deux grands industriels allemand et français avec une trentaine de propositions et de mises en garde sur la compétitivité de l'économie européenne ou l'énergie.
Cette visite de travail de la chancelière devait s'achever par un dîner à l'Elysée.