Berlin et Berne ont signé jeudi un accord censé empêcher l'évasion fiscale des Allemands vers la Suisse, qui prévoit un traitement un peu plus dur des fraudeurs mais ne convainc guère l'opposition parlementaire allemande, qui menace de le faire capoter.
Le texte signé à Berne par Michael Ambühl, secrétaire d'Etat représentant le gouvernement suisse, et Peter Gottwald, ambassadeur de la République fédérale d'Allemagne, vient amender un accord signé en août 2011 entre les deux pays et modifié dans l'espoir de faciliter sa ratification en Allemagne.
Selon les documents distribués par le ministère allemand des Finances à Berlin, pour solder les fraudes passées, les contribuables allemands ayant trouvé refuge en Suisse payeront une taxe forfaitaire comprise entre 21% et 41%, au lieu de 19 à 34% prévus jusqu'ici.
A partir du 1er janvier 2013, ils seront soumis au même taux qu'en Allemagne, soit 26,375%, mais la taxe sera prélevée par les banques suisses, préservant leur anonymat.
Le texte prévoit aussi que dans le cas d'un héritage de sommes placées en Suisse, les héritiers auront le choix entre payer un impôt forfaitaire de succession de 50% ou déclarer les placements concernés.
Par ailleurs, le fisc allemand aura le droit d'adresser un nombre plus élevé de demandes de renseignements sur des cas supposés de fraude à la Suisse, soit 1.300 au lieu de 999 en deux ans.
Enfin, il sera interdit dès le 1er janvier 2013, date théorique d'entrée en vigueur de l'accord, de déplacer des sommes placées en Suisse vers d'autres Etats, et donc de possibles paradis fiscaux, sans déclaration officielle. Jusqu'ici il était prévu que ces transferts de fonds puissent se faire en toute discrétion jusqu'au 31 mai 2013.
Les changements apportés n'ont guère convaincu l'opposition allemande, majoritaire au Bundesrat, chambre haute du Parlement qui représente les régions, qui veut bloquer son adoption.
"Un accord qui garantit l'anonymat des fraudeurs et qui ne donne même pas à l'administration allemande les droits (accordés par la Suisse) au fisc américain, ne peut remporter notre adhésion", a dénoncé le chef de file parlementaire des Verts Jürgen Trittin dans un communiqué.
"Ce serait irresponsable de signer cet accord" qui est "une gifle pour tous les contribuables honnêtes", a dénoncé lors d'un point-presse le chef des sociaux-démocrates Sigmar Gabriel.
Les partenaires de la Suisse peuvent "être assurés que nous sommes fermement décidés à mettre en oeuvre les mesures annoncées pour préserver l'intégrité de notre place financière et de prévenir le dépôt d'avoirs non déclarés", a par contre assuré la présidente de la Confédération et ministre des Finances, Eveline Widmer-Schlumpf.
Revenant sur l'échange automatique de données, à laquelle la Suisse est opposée, elle a expliqué qu'"au lieu de l'échange de quantités de données qu'il était quasiment impossible d'exploiter, il y aurait un transfert concret d'impôts" avec cet accord.
"Je suis persuadée que ce système déploiera ses avantages dès son entrée en vigueur. Et je suis tout aussi persuadée que d'autres Etats le reconnaîtront et concluront des accords avec la Suisse", a ajouté Mme Widmer-Schlumpf.
L'accord amendé doit également être approuvé par les députés suisses.