Poulet chloré, boeuf aux hormones, OGM... la perspective d'une ouverture totale des frontières européennes aux importations américaines préoccupe le monde agricole qui fait lui aussi valoir son "exception culturelle".
La France a obtenu gain de cause vendredi soir à Bruxelles dans son bras de fer pour protéger l'exception culturelle et faire exclure le secteur audiovisuel du mandat de négociations commerciales avec les Etats-Unis.
D'où la crainte de voir "l'agriculture européenne se retrouver du côté des perdants", résumait dès vendredi Xavier Beulin, président du principal syndicat agricole français, la FNSEA.
"Nous avons toujours privilégié les accords multilatéraux" insiste-t-il, "mais c'est donnant-donnant. Car les Etats-Unis veulent nous exporter de la viande, de l'éthanol sans doute et peut-être encore plus de soja".
Samedi, Jean-Marc Ayrault a voulu "rassurer les agriculteurs comme les professions agroalimentaires, il n'y a pas d'accord de libre-échange entre les USA et l'Europe. La négociation commence et elle va durer plusieurs années" et elle n'aboutira "que si l'accord est vraiment gagnant-gagnant", selon lui.
Le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a pour sa part affirmé que le gouvernement a "fait inscrire dans le mandat de négociation des garanties pour nos lignes rouges agricoles et alimentaires".
L'élevage est l'un des secteurs qui s'inquiète le plus d'une importation massive de viandes américaines élevées selon des modes industriels et des normes sanitaires retoquées en France, de surcroît dans un contexte de grande fragilité économique de ces filières.
Mais contre quoi? rien n'est gagné en échange pour les produits français: fruits et légumes, fromages, produits laitiers en général sont soumis à des réglementations impitoyables pour pénétrer le sol américain.
A cette liste, le ministère de l'Agriculture ajoute confiserie, biscuits, foie gras, vins et spiritueux.
"Conception de la sécurité"
"Sur tous ces produits, l'Amérique représente des marchés potentiels qu'on n'exploite pas principalement à cause des barrières non-tarifaires, des normes techniques ou sanitaires, parfois insidieuses": ce sont elles, considère un expert des négociations, qui vont constituer le dur des discussions.
Autre obstacle possible prévient le ministère: les produits "sensibles" en raison de leur modes de production - comme les carcasses de poulet rincées à l'acide lactique.
"On rentre dans des sujets subtils et complexes. Sur le poulet, on considère que le procédé en fin de chaîne n'est pas sûr, qu'il ne répond pas à notre conception de la sécurité +de la fourche à la fourchette+: peut-on aller vers une reconnaissance mutuelle des pratiques de chacun?".
Au-delà reste aussi la question sensible des "préférences collectives" de chaque société: la France, comme plusieurs de ses voisins, ne veut pas d'hormones, pas d'OGM. Mais l'Europe est divisée sur ces points.
"En ce qui concerne les +préférences collectives+ (OGM, promoteurs de croissance, décontamination chimique des viandes et clonage animal), la France a obtenu la préservation des aquis européens et la non-remise en cause des législations nationales", a affirmé M. Le Foll samedi.
"Plus ça vient de loin moins c'est tracé" redoute Bernard Lannes, président de la Coordination rurale (CR) dont le syndicat ne voit "aucun point positif" à un accord de libre-échange avec les Etats-Unis.
"Evidemment l'Europe intéresse beaucoup de monde car c'est un marché de riches. Mais si on laisse entrer des aliments qui n'ont pas le même coût de production, on ne pourra pas assumer", selon M. Lannes qui estime que les normes européennes et françaises en particulier sur l'environnement et la traçabilité créent une "distorsion de concurrence" avec les producteurs américains.