Ses carottes sont rachitiques, ses pommes de terre pourries, et ses épinards noyés: pour Vincent Béroujon, maraîcher dans le Rhône depuis trente ans, pas de doute, le printemps 2013 est la "saison la plus pourrie" qu'il ait jamais connue.
Dans son exploitation de Limas, près de Villefranche-sur-Saône, le quadragénaire "pas loin d'être pessimiste" a déjà perdu un tiers de son chiffre d'affaires habituel sur ce printemps maussade, où la grêle, la pluie et le froid n'ont laissé que peu de chance à ses légumes de pousser.
Même s'il estime avoir "évité la catastrophe", l'agriculteur dresse un état des lieux peu reluisant. Ses salades d'abord, "moins touchées par l'eau que celles du voisin", n'en sont pas moins envahies de limaces et d'escargots "qu'on ne voit pas trop habituellement".
"Début mai, on a eu plus de 100 millilitres d'eau et des températures de 3-4°C, les épinards étaient tout jaunes, on n'a eu qu'un quart du rendement normal", déplore aussi Vincent Béroujon.
Dans le département, "certains n'ont même pas récolté leurs épinards car ils étaient invendables", constate le chargé de communication de la chambre d'agriculture du Rhône, Frédéric Paperin.
Les sillons entre les plants de pommes de terre sont gorgés d'eau, provoquant leur pourrissement. Les carottes, quant à elles, ont interrompu leur croissance...
Sous un ciel variable, entre averses soudaines et éclaircies éphémères, Vincent Béroujon se souvient avec nostalgie qu'un an plus tôt, Georgiana, candidate de l'émission Masterchef sur TF1, était venue cueillir des haricots chez lui sous un soleil radieux.
Des légumes chers
"On va commencer à manquer de produits, alors que dans le même temps on a du personnel, six salariés, dont deux saisonniers, donc on va avoir des problèmes financiers", évalue le maraîcher, qui écoule tous ses produits en vente directe, sur les marchés essentiellement.
Quand Vincent Béroujon a commencé son activité, en 1983, les cultures étaient "sous l'eau" suite à une crue de la Saône. "Mais à l'époque on fonctionnait en famille, aujourd'hui je ne sais pas si on pourrait passer une crue...", soupire-t-il. Au niveau du département, il est encore trop tôt pour évaluer l'impact économique du mauvais temps, selon la chambre d'agriculture, mais "les marchés sont favorables car la mauvaise météo est nationale, donc les cours des légumes compensent en partie les pertes techniques".
Toutefois, reconnaît Frédéric Paperin, "les agriculteurs en vente directe ont plus de problèmes car ils ne répondent plus aux attentes de leurs clients".
Vincent Béroujon relève des réflexions des consommateurs, qui "commencent à trouver les légumes chers alors qu'à cette saison ils devraient être bon marché".
Même s'il "croise les doigts tous les jours" pour une embellie, une hausse des températures risque de provoquer le développement de maladies dans les cultures, sans compter une surproduction.
"Tout est décalé dans le temps, notamment les tomates qui vont arriver vers le 15 juillet, du coup la tomate d'Espagne prend le monopole", observe le porte-parole de la chambre d'agriculture.
Pour les tomates, la production est en moyenne nationale inférieure de 20% pour l'ensemble des régions françaises, et la consommation de 30%, selon l'organisation des producteurs de tomates et concombres.
Et sur l'ensemble des maraîchers de France, au 21 mai, le chiffre d'affaires est déjà en baisse de 15 à 20% par rapport à l'an dernier, selon l'association Légumes de France.