Les révélations sur une fraude fiscale de l'icône du football Uli Hoeness se sont invitées dans la campagne électorale allemande en relançant le débat entre gouvernement et opposition sur la meilleure façon de régler le problème des comptes en Suisse.
Quelques mois après l'échec d'un accord de double imposition germano-suisse, le cas Hoeness est la preuve que cet accord "aurait été la bonne solution", a réagi lundi Martin Kotthaus, le porte-parole du ministre des Finances Wolfgang Schäuble.
Mais Jürgen Trittin, figure de proue des Verts, tirait de l'affaire la conclusion inverse: "heureusement que le SPD (social-démocrate) et les Verts ont empêché cet accord +blanchiment d'argent+ avec la Suisse", se félicitait-il.
M. Hoeness, président du club allemand le plus titré d'Allemagne, le Bayern Munich, ancien footballeur et homme d'affaires respecté, s'est dénoncé auprès du fisc en janvier, a révélé la presse du weekend. Il avait négligé de soumettre à l'impôt en Allemagne au moins 10 millions d'euros d'intérêts liés à des avoirs en Suisse.
La nouvelle a fait l'effet d'une bombe, à quelques jours de la première demie-finale de Ligue des Champions qui opposera le Bayern au FC Barcelone. "Beaucoup de gens en Allemagne sont déçus par Uli Hoeness, la chancelière fait partie de ceux-là", a commenté lundi le porte-parole d'Angela Merkel.
Au-delà du destin personnel de ce dirigeant qui s'était construit jusqu'ici une image de "Monsieur Propre", volontiers donneur de leçon, le cas Hoeness a relancé le débat sur ces milliers d'Allemands qui fraudent le fisc au moyen de comptes en Suisse. Selon certaines estimations les dépôts des Allemands auprès des banques helvètes avoisinent les 200 milliards d'euros.
Le sujet a longtemps empoisonné les relations entre Berlin et Berne, la Suisse refusant de lâcher du lest sur le fameux secret bancaire de ses banques. Mais l'an dernier les deux gouvernements s'étaient entendus sur un accord de double imposition: un paiement forfaitaire des banques suisses devait faire table rase du passé, et, à compter de cette année, les gains du capital des détenteurs de comptes allemands auraient été taxés.
Point crucial: les banques suisses auraient joué les intermédiaires et réglé l'impôt, préservant l'anonymat de leurs clients allemands.
M. Hoeness, dont la fortune provient entre autres d'une fabrique prospère de saucisses, comptait sur cet accord pour régulariser sa situation de manière anonyme. Manque de chance, la loi a été retoquée fin 2012 par le parlement allemand, à cause du blocage de l'opposition de gauche qui refusait notamment la garantie d'anonymat pour les fraudeurs.
"Le blocage (de l'opposition) fait que chaque année nous nous privons de millions" d'euros, a martelé M. Kotthaus lundi. "Si M. Hoeness ne s'était pas dénoncé, personne n'aurait rien su", a argumenté Michael Meister, vice-président du groupe parlementaire conservateur.
Pour l'opposition, le cas Hoeness est au contraire une légitimation ex-post du refus du texte. Sous le régime envisagé, M. Hoeness "aurait pu laver son argent sale et rester dans l'anonymat", a commenté le ministre régional social-démocrate Norbert Walter-Borjans. Le rival social-démocrate de Mme Merkel pour les élections de septembre, Peer Steinbrück, avait estimé dimanche que Berlin avait mal négocié un accord qui aurait "affaibli le fisc et le parquet".
En l'absence d'accord, le fisc achète des CD de données volées sur les comptes suisses des ressortissants allemands. La semaine dernière, l'Etat de Rhénanie-Palatinat s'est porté acquéreur d'un nouveau CD.
Une solution pas optimale aux yeux du gouvernement. "La chancelière reste convaincue que nous avons besoin d'un accord" avec Berne, a dit son porte-parole lundi.
En attendant, le cas Hoeness et d'autres "montrent qu'il y a chez nous suffisamment de gens qui préfèrent cacher leur argent plutôt que de le donner à l'Etat", rappelle dans un éditorial en ligne l'influent hebdomadaire Spiegel, et ce alors que "depuis des mois les Allemands se moquent des riches Grecs qui privent leurs pouvoirs publics de millions" de recettes fiscales.