Assurer l'entretien des véhicules vendus: pour les constructeurs de trains c'est déjà un marché juteux dans de nombreux pays et ils aimeraient ajouter l'Allemagne à la liste, au grand dam de la compagnie publique du rail Deutsche Bahn.
Aux yeux de Siemens, Alstom ou Bombardier, "la maintenance est clairement un gros secteur d'activité", explique à l'AFP Ronald Pörner, président de la fédération allemande des industriels du transport. Il estime le volume de ce marché à 25 à 28 milliards d'euros par an pour les quelque 20 pays du monde où l'usage est introduit.
C'est le cas du Royaume-Uni, ou encore de la Russie, mais pas de l'Allemagne où c'est en général l'opérateur des lignes de chemin de fer -souvent encore l'ex-monopole Deutsche Bahn- qui assure l'entretien des trains qu'il achète. Cette maintenance recouvre à la fois l'entretien dit "léger", par exemple le nettoyage, et les réparations et révisions plus lourdes.
Mais les choses sont en train de changer. Ouverture du marché oblige, de nouveaux acteurs se sont fait une place sur le marché des lignes régionales allemandes -le français Veolia par exemple-, et "souvent n'ont pas les ateliers et le personnel" nécessaires pour assurer cet entretien, explique M. Pörner. Ils se montrent donc plutôt contents que le fournisseur de leurs trains s'en charge.
L'an dernier, le français Alstom a remporté un contrat pour livrer 20 trains régionaux Coradia à la régie de transport de la ville de Brunswick (nord), ZGB, et en assurer la maintenance pendant 20 ans. Une petite révolution dans le monde ferroviaire allemand.
La société ZGB voulait ce faisant "stimuler la concurrence" entre opérateurs, explique son patron Hennig Brandes, et faciliter le passage de l'un à l'autre au moment des appels d'offre.
Pour Deutsche Bahn, c'est "gonflé"
"C'est absolument un marché d'avenir", confirme Dominik Beyer, porte-parole d'Alstom. Ces deux dernières années, le groupe a ouvert deux sites de maintenance, à Brunswick et à Waibstadt près de Karlsruhe (sud), pour lesquels il cherche de la main d'oeuvre.
L'allemand Siemens aussi a de fortes visées sur ce segment. L'industriel bavarois a organisé récemment un voyage avec des journalistes allemands pour faire part de ses succès dans la maintenance au Royaume-Uni. Il s'est du coup attiré le courroux de Deutsche Bahn, qui estime fort malvenue cette incursion de son fournisseur sur ses plates-bandes.
"Cela fait des décennies que nous avons cette compétence dans le service et la maintenance, et quelqu'un se pose là et dit +je peux faire mieux+", tempête Ulrich Homburg, membre du directoire de la compagnie en charge du transport passagers, qui trouve le procédé "gonflé". "Qu'ils construisent d'abord des trains qui fonctionnent, c'est cela que nous attendons", s'énerve-t-il encore, en allusion aux retards de livraison qui empoisonnent les relations entre les deux groupes.
Deutsche Bahn refuse d'évaluer la taille du marché de l'entretien en Allemagne, ou même de quantifier les employés qui s'y consacrent - "puisque ce n'est pas une activité isolée", argumente M. Homburg. Le chiffre de 30.000 salariés a circulé dans la presse, sur les quelque 280.000 qu'emploie le groupe en Allemagne.
Le potentiel de cette activité dans le pays se chiffre "en milliards", assure M. Pörner, qui qualifie ce marché de "plante fragile que nous voulons faire pousser".