Le domicile parisien de la patronne du FMI Christine Lagarde a été perquisitionné mercredi dans l'enquête sur le rôle de l'ex-ministre de l'Economie de Nicolas Sarkozy dans l'arbitrage litigieux sur la vente d'Adidas qui a permis à Bernard Tapie de toucher 400 millions d'euros.
A la demande des juges de la Cour de justice de la République (CJR), l'instance habilitée à juger des ministres pour des actes dans l'exercice de leurs fonctions, des policiers se sont rendus chez la patronne du Fonds monétaire international, dans un immeuble de sept étages d'une rue cossue du XVIème arrondissement.
"Mme Lagarde n'a rien à cacher", a dit à l'AFP son avocat Me Yves Repiquet sans préciser si les policiers avaient effectué des saisies. Il s'est dit satisfait par "tout ce qui peut servir à la manifestation de la vérité et exonérer (sa) cliente d'une responsabilité pénale".
L'avocat a précisé que sa cliente n'avait pas encore été entendue.
Le FMI a refusé de s'exprimer sur la perquisition mais a rappelé avoir apporté sa "confiance" à Mme Lagarde dans ce dossier avant sa nomination à la tête du Fonds, en juillet 2011, estimant qu'elle serait en mesure d'assurer efficacement ses obligations de directrice générale".
Ministre de l'Economie de 2007 à 2011 jusqu'à sa nomination au FMl, Mme Lagarde avait choisi de recourir à un arbitrage pour solder un contentieux entre le Crédit lyonnais et Bernard Tapie sur le rachat d'Adidas.
Le tribunal arbitral, une juridiction privée, avait condamné en juillet 2008 le Consortium de réalisation (CDR), structure publique qui gérait le passif du Crédit lyonnais, à verser à M. Tapie 285 millions d'euros d'indemnités (400 millions avec les intérêts).
La justice a ouvert une enquête qui comporte deux volets. Le volet ministériel, ouvert en août 2011 par la CJR pour "complicité de faux et de détournement de fonds publics", vise l'ex-ministre.
Jugeant "contestable" le recours à l'arbitrage, la CJR estime que Mme Lagarde s'est impliquée "personnellement" dans un processus comportant "de nombreuses anomalies et irrégularités".
La Cour la soupçonne d'"avoir personnellement concouru aux faits", en donnant des instructions de vote aux représentants de l'Etat dans le conseil d'administration de l'EPFR (Etablissement public de financement et de réalisation), l'entité contrôlant le CDR.
Mme Lagarde a justifié le recours à l'arbitrage pour mettre fin à une procédure, selon elle longue et coûteuse.
Deniers publics
Interrogée par les députés en 2008, elle avait répété avoir pris elle-même cette décision tout comme celle de ne pas former un recours contre cet arbitrage. Il s'agissait, selon elle, d'une décision personnelle prise sans ordre de l'Elysée.
Fin janvier, la directrice du FMI a réaffirmé que ce choix était "la meilleure solution à l'époque".
Pourtant, au printemps 2011, le procureur général de la Cour de Cassation, à l'époque Jean-Louis Nadal, avait saisi la CJR, n'épargnant pas Mme Lagarde.
Il lui reprochait d'avoir recouru à un arbitrage privé alors qu'il s'agissait de deniers publics, d'avoir eu connaissance de la partialité de certains juges arbitres, d'avoir fait modifier le protocole initial pour y intégrer la notion de préjudice moral - ce qui avait permis aux époux Tapie de toucher 45 millions d'euros - et de ne pas avoir exercé de recours contre cet arbitrage controversé alors que plusieurs spécialistes l'y avaient encouragée.
Dans le volet non ministériel, une information judiciaire a été ouverte en septembre 2012 pour "usage abusif des pouvoirs sociaux et recel de ce délit au préjudice du CDR. Cette enquête vise implicitement Jean-François Rocchi, le président du CDR, qui avait mis en oeuvre l'arbitrage, et Bernard Scemama, ancien président de l'EPFR.
Dans le cadre de ce volet, des perquisitions ont récemment été menées au domicile et au bureau de l'ancien secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, aux domiciles de Bernard Tapie, de Stéphane Richard, directeur de cabinet de Christine Lagarde au moment de l'arbitrage et des trois arbitres qui en avaient fixé le montant.