Pour financer son essor dans le nucléaire, le groupe public Areva a décidé mardi d'ouvrir son capital par augmentation de capital, une opération obtenue auprès de l'Etat actionnaire en contrepartie d'une mise en vente de sa filiale T&D.
"Le conseil de surveillance d'Areva a décidé d’offrir à des partenaires stratégiques et industriels l’opportunité d'entrer à son capital, à hauteur de 15% et essentiellement par augmentation de capital", a annoncé le groupe, plusieurs heures après la fin d'une réunion de son conseil, qui a attisé les craintes des syndicats.
Reste à savoir qui viendra s'asseoir à côté de l'Etat français, qui détient plus de 90% du capital. Lors d'une conférence téléphonique, la présidente d'Areva a indiqué que ce ne serait "pas des clients (des électriciens, ndlr) et pas des fournisseurs".
Le Japonais Mitsubishi Heavy Industries (MHI) s'est dit prêt à étudier une entrée dans son partenaire de longue date et la presse évoquait aussi l'intérêt de fonds du Moyen-Orient, où plusieurs pays ont en projet la construction de centrales nucléaires.
Le conseil de surveillance d'Areva a également "demandé au directoire de mettre en vente le pôle Transmission et Distribution (T&D) du groupe".
Depuis le début de l'année, Areva et l'Etat s'évertuaient pour trouver les 8 à 10 milliards d'euros nécessaires aux investissements du groupe d'ici 2012, notamment pour le développement du réacteur nouvelle génération EPR.
Ces décisions, annoncées sans grande surprise, "nous inquiètent beaucoup", a affirmé Marie-Claire Cailletaud, une des responsables de la CGT Mines-énergie.
L'Union fédérale des syndicats du nucléaire (UFSN) CFDT s'est également dite "contre l'ouverture du capital", craignant "une privatisation rampante des activités nucléaires" et opposée à une cession de T&D, qui "ne répond pas au besoin de financement du groupe Areva et fragilise son économie à court terme".
Forte génératrice de cash, T&D a représenté en 2008 39% du chiffre d'affaires du groupe et 560 millions d'euros de résultat opérationnel.
Vivement opposée à l'origine à sa vente, Anne Lauvergeon a affirmé qu'Areva serait attentif non seulement au prix proposé pour T&D, mais aussi au "programme social et industriel".
"Nous avons déjà reçu des offres nombreuses d'intérêts d'acquéreurs potentiels ayant différents types de profils", a-t-elle indiqué.
Avant même cette annonce, plusieurs candidats s'étaient déjà faits connaître, en tête desquels Alstom, propriétaire de cette division jusqu'en 2004. Le fonds Axa Private Equity s'est dit intéressé et le nom de GE circule également.
"Il est clair qu'il n'y aura pas de vente à la découpe" de T&D, a assuré Mme Lauvergeon, contrairement à des hypothèses évoquées dans la presse.
Areva, qui poursuit en parallèle son plan de réduction de coûts de 600 millions d'euros annoncé en février, compte faire aboutir d'ici la fin de l'année tant la cession de T&D que l'ouverture de capital (hors un projet annexe de développement de l'actionnariat salarié).
Pour obtenir des liquidités à court terme, Areva "envisage" aussi de céder sa participation de 26,08% dans le groupe minier Eramet et celle de 11,36% dans le fabricant franco-italien de semi-conducteurs STMicroelectronics. Mais ces participations resteront "sous actionnariat public".
Ce "plan de financement complet et cohérent donne à Areva une grande visibilité sur son développement et lui apporte les moyens de ses ambitions sur son coeur de métier nucléaire", a estimé le ministère de l'Economie.