Offre du Cyber Monday : Jusqu'à 60% de réduction sur InvestingPro.PROFITER DES SOLDES

Japon: au pays des bourreaux de travail, une réforme des heures sup inquiète

Publié le 25/05/2015 11:14
Un cadre assoupi sur un banc dans le métro de Tokyo le 22 mai 2015 (Photo YOSHIKAZU TSUNO. AFP)

Un cadre assoupi sur un banc dans le métro de Tokyo le 22 mai 2015 (Photo YOSHIKAZU TSUNO. AFP)

L'élite des travailleurs en col blanc n'aura bientôt plus droit au paiement des heures sup au Japon, une réforme qui suscite l'inquiétude dans un pays où le dévouement pour l'entreprise peut conduire au "karoshi", un burnout mortel.

Cette abnégation au travail a failli coûter la vie à Teruyuki Yamashita.

Epuisé d'enchaîner les voyages d'affaires à l'étranger et les nuits blanches, cet ancien chef des ventes a fini à l'hôpital il y a six ans, victime d'une hémorragie méningée.

Il a survécu après trois semaines en soins intensifs mais a perdu la vue. "Quand je me suis réveillé, j'ai dit à l'infirmière qu'il faisait noir. Je ne m'étais pas rendu compte que j'étais devenu aveugle", raconte le cadre commercial de 53 ans.

A l'image de M. Yamashita, de nombreux salariés japonais acceptent de trimer au détriment de leur famille et de leur santé, un surmenage qui aboutit à des centaines de morts chaque année par AVC, crise cardiaque ou suicide.

Un phénomène assez répandu au Japon pour qu'on lui donne un nom - le "karoshi", littéralement "mort par excès de travail" - et qu'il soit reconnu comme maladie professionnelle.

Pourtant le mois dernier, le gouvernement conservateur de Shinzo Abe a approuvé une réforme visant à autoriser les entreprises à supprimer purement et simplement le paiement d'heures sup (au-delà de 40 heures par semaine) pour ceux qui gagnent au moins 10,75 millions de yens (80.000 euros), tels que les traders ou consultants.

- Travailler plus sans gagner plus ? -

Les salariés concernés seront désormais rémunérés sur leur performance, et non plus sur le temps passé au bureau, expliquent les partisans du texte, qui espèrent sa prochaine adoption par le Parlement.

Inutile donc de s'éterniser le soir ou d'arriver aux aurores si la tâche est accomplie vite et bien, arguent-ils, voyant dans ce projet un moyen d'améliorer la productivité (réputée faible au Japon).

Et de promettre, pour apaiser les critiques, que les employés zélés pourront choisir s'ils le souhaitent de rester à l'ancien système.

Toutefois, dans les faits, il leur sera difficile de refuser, de peur de se faire taper sur les doigts, et au final ils continueront à travailler plus longtemps mais sans la moindre compensation, rétorquent des experts.

"Le gouvernement veut créer un système dans lequel les compagnies n'auront plus à rémunérer les heures sup", s'insurge Koji Morioka, professeur émérite à l'université Kwansei Gakuin, qui redoute une "accélération des décès par surmenage".

La réforme, s'étonne l'universitaire, va à l'encontre d'une précédente loi votée l'été dernier, précisément destinée à prévenir ce type de décès.

Selon les conditions actuelles, seulement 4% des employés du secteur privé - soit 1,85 million de personnes - tomberaient sous le coup de cette mesure, mais la fédération patronale Keidanren veut aller plus loin.

"Nous devons réfléchir à abaisser le seuil de revenus pour l'appliquer à un plus grand nombre de personnes", a récemment plaidé son dirigeant.

- Neuf jours de vacances par an -

Si une évolution des mentalités se dessine, encore 22,3% des Japonais s'escriment au labeur 50 heures ou plus chaque semaine, bien au-delà des 12,7% recensés en Grande-Bretagne, 11,3% aux Etats-Unis et 8,2% en France, selon l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE).

Quant aux congés payés, 16% des employés à temps plein n'ont pris aucun jour en 2013, rechignant à s'absenter par sentiment de culpabilité, selon une étude du gouvernement. Et en moyenne, les Nippons ne prennent du bon temps que neuf jours par an - la moitié des vacances auxquelles ils ont droit.

La même année, ont été recensés 196 décès et suicides liés à un travail excessif, et ce n'est que la partie émergée de l'iceberg, souligne Shigeru Waki, enseignant à l'université Ryukoku.

"Il y en beaucoup plus qui sont morts ou tombés malade pour cause de surmenage, mais c'est très difficile à prouver", assure-t-il.

Avec cette nouvelle loi, les patrons ne garderont plus trace des heures sup et il sera encore plus difficile d'évaluer l'ampleur du problème, prévient M. Waki.

Parmi les détracteurs de la réforme, figure la mère d'un jeune salarié de 27 ans qui s'est suicidé en 2009 à Tokyo tant il croulait sous le travail, accumulant des centaines d'heures supplémentaires omises du décompte officiel.

"J'étais dans un tel état de choc quand sa compagnie m'a annoncé sa mort", se souvient la sexagénaire. "Mon fils ne reviendra pas, mais je veux me faire la porte-parole des autres jeunes", dit-elle.

Le jeu n'en vaut pas la chandelle, renchérit M. Yamashita. "J'étais tellement occupé que je n'ai même pas vu mes enfants grandir. Il aurait mieux valu que je consacre ma vie à ma famille", lâche-t-il, amer.

Derniers commentaires

Installez nos applications
Divulgation des risques: Négocier des instruments financiers et/ou des crypto-monnaies implique des risques élevés, notamment le risque de perdre tout ou partie de votre investissement, et cela pourrait ne pas convenir à tous les investisseurs. Les prix des crypto-monnaies sont extrêmement volatils et peuvent être affectés par des facteurs externes tels que des événements financiers, réglementaires ou politiques. La négociation sur marge augmente les risques financiers.
Avant de décider de négocier des instruments financiers ou des crypto-monnaies, vous devez être pleinement informé des risques et des frais associés aux transactions sur les marchés financiers, examiner attentivement vos objectifs de placement, votre niveau d'expérience et votre tolérance pour le risque, et faire appel à des professionnels si nécessaire.
Fusion Media tient à vous rappeler que les données contenues sur ce site Web ne sont pas nécessairement en temps réel ni précises. Les données et les prix sur affichés sur le site Web ne sont pas nécessairement fournis par un marché ou une bourse, mais peuvent être fournis par des teneurs de marché. Par conséquent, les prix peuvent ne pas être exacts et peuvent différer des prix réels sur un marché donné, ce qui signifie que les prix sont indicatifs et non appropriés à des fins de trading. Fusion Media et les fournisseurs de données contenues sur ce site Web ne sauraient être tenus responsables des pertes ou des dommages résultant de vos transactions ou de votre confiance dans les informations contenues sur ce site.
Il est interdit d'utiliser, de stocker, de reproduire, d'afficher, de modifier, de transmettre ou de distribuer les données de ce site Web sans l'autorisation écrite préalable de Fusion Media et/ou du fournisseur de données. Tous les droits de propriété intellectuelle sont réservés par les fournisseurs et/ou la plateforme d’échange fournissant les données contenues sur ce site.
Fusion Media peut être rémunéré par les annonceurs qui apparaissent sur le site Web, en fonction de votre interaction avec les annonces ou les annonceurs.
La version anglaise de ce document est celle qui s'impose et qui prévaudra en cas de différence entre la version anglaise et la version française.
© 2007-2024 - Fusion Media Ltd Tous droits réservés