par George Georgiopoulos et Lefteris Papadimas
ATHENES (Reuters) - Les ministres des Finances de la zone euro réfléchiront certainement lundi au scénario d'un défaut de la Grèce sur sa dette si cette dernière ne présente pas d'ici là de nouvelles propositions de réformes, a-t-on appris vendredi auprès de responsables européens.
Cette réunion de l'Eurogroupe, lundi à 13h00 GMT, précédera de quatre heures un sommet extraordinaire des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro. Mais Donald Tusk, le président du Conseil européen, a d'ores et déjà prévenu qu'il n'apporterait pas de "solution miracle" si le gouvernement grec n'accepte pas la "bonne proposition" de ses créanciers et choisit d'entraîner son pays vers le défaut.
Egalement lundi, le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) se penchera à nouveau sur la situation des banques grecques, confrontées à des retraits massifs de la part des épargnants, après avoir relevé vendredi - pour la deuxième fois en trois jours - le montant des liquidités d'urgence auxquelles elles ont accès.
La Grèce doit rembourser 1,6 milliard d'euros au Fonds monétaire international (FMI) le 30 juin; elle risque d'en être incapable si elle ne parvient pas à s'entendre d'ici là avec ses créanciers sur un programme de réformes en échange du versement de leur aide.
Les autres pays de la zone euro et le FMI répètent à l'envi que c'est à la Grèce d'accepter des concessions et de présenter rapidement des réformes qui leur conviennent, notamment pour abaisser le coût de son système de retraites.
"Nous sommes proches du point où le gouvernement grec aura à choisir entre accepter ce qui est, je pense, une bonne proposition de soutien renouvelé ou se diriger vers un défaut. Au bout du compte, cela est et ne peut être qu'une décision grecque et une responsabilité grecque", a dit Donald Tusk.
TSIPRAS DÉNONCE L'"INSISTANCE AVEUGLE" DES CRÉANCIERS
Pour la chancelière allemande, Angela Merkel, le sommet de la zone euro lundi ne sera que "consultatif" si aucun élément nouveau ne permet de prendre de décisions.
Alexis Tsipras a pour sa part dénoncé l'"insistance aveugle" de ses interlocuteurs à vouloir de nouvelles mesures d'économies dans un pays confronté à une "situation sociale déjà dramatique".
En Russie pour une visite de deux jours, le Premier ministre grec a néanmoins exprimé son optimisme sur la possibilité de parvenir à un accord en donnant par avance tort "à tous ceux qui parient sur une crise et des scénarios catastrophe".
Il a aussi prévenu ses partenaires européens que la crise ne concernait pas que la Grèce mais l'ensemble de l'Union européenne alors qu'aucun pays de la zone euro n'a jamais fait défaut sur sa dette ni abandonné la monnaie unique.
"L'Union européenne, dont nous faisons partie, devrait trouver les moyens d'en revenir à ses principes fondateurs: solidarité, démocratie, justice sociale", a-t-il dit. "En s'en tenant à des politiques d'austérité et à des politiques qui sapent la cohésion sociale, qui aggravent la récession, c'est impossible."
Pour Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, les Grecs semblent croire que "quelqu'un en Europe pourra à la fin sortir un lapin du chapeau". "Mais ce n'est pas le cas", a-t-il dit au magazine allemand Der Spiegel.
LA BCE EXAMINERA À NOUVEAU LES BANQUES GRECQUES LUNDI
Face à cette situation, qui pourrait conduire à une sortie de leur pays de la zone euro, les Grecs craignent l'instauration d'un contrôle des capitaux qui limiterait leurs retraits d'argent.
Sans céder pour l'instant à la panique ni se ruer sur les guichets, ils ont accéléré leurs retraits bancaires cette semaine, ce qui fragilise un peu plus les banques grecques.
Le mécanisme européen des liquidités d'urgence (ELA) maintient pour l'instant le système bancaire grec à flot et la BCE ne cesse depuis des mois de relever régulièrement le plafond des fonds disponibles.
Elle l'a encore augmenté de 1,8 milliard d'euros vendredi, selon l'agence d'informations financières MNI, après une hausse de 1,1 milliard mercredi. Ce plafond devrait ainsi être désormais à 85,9 milliards.
La BCE souligne toutefois que les banques grecques n'ont accès à ces liquidités d'urgence que tant que le pays bénéficie d'un programme d'aide financière. Or ce programme prendra fin officiellement le 30 juin et les créanciers de la Grèce menacent de ne pas le prolonger en l'absence d'accord sur de nouvelles réformes.
Le fait que la BCE ait décidé d'examiner à nouveau lundi le montant des liquidités d'urgence semble indiquer que l'institut de Francfort n'est pas certain que les banques grecques pourront fonctionner au-delà.
La coïncidence de date avec le sommet des dirigeants de la zone euro paraît aussi illustrer la volonté de la BCE de faire pression sur les responsables politiques pour qu'ils parviennent à un accord.
Les marchés financiers sont quant à eux loin de céder à la panique: les Bourses européennes ont fini en hausse vendredi, y compris celle d'Athènes, qui a gagné 0,57%. Sur le marché des changes, l'euro est toutefois orienté à la baisse, autour de 1,1330 dollar.
(Avec les bureaux de Reuters à Athènes, Luxembourg et Berlin; Bertrand Boucey pour le service français, édité par Marc Angrand)