par Chine Labbé
PARIS (Reuters) - François Pérol, le président du directoire de BPCE (Banque populaire Caisse d'épargne), a dit lundi devant le tribunal correctionnel de Paris avoir été à l'Elysée un simple conseiller de Nicolas Sarkozy, sans aucune "autorité décisionnelle", avant de rejoindre la banque.
L'ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée chargé des questions économiques est jugé pour prise illégale d'intérêts. Il est soupçonné d'avoir pris en 2009 la tête de BPCE, maison mère de la banque Natixis, après avoir été associé "de manière étroite" aux négociations sur la fusion des Banques populaires et des Caisses d'épargne, scellée la même année.
"Jamais je ne me suis pris pour le président de la République, le ministre des Finances ou le Premier ministre", a-t-il déclaré à la barre. "J'étais conseiller."
Le prévenu a été longuement interrogé sur cette fonction et les relations qu'il entretenait dans ce cadre avec certains dirigeants ou avocats de banques. Ce "magma de relations" ne pouvait-il entretenir chez ses interlocuteurs une certaine ambiguïté sur son rôle ? lui a demandé le président d'audience.
"Mon métier à moi, c'est de savoir traiter les solliciteurs", a répondu François Pérol. "Je n'ai rien à leur donner, mais je les reçois", a-t-il ajouté. "Ça ne fait pas de moi une autorité décisionnelle."
En tant que secrétaire général adjoint de l'Elysée, François Pérol dit avoir rempli trois rôles : éclairer le président sur ses grands choix de politique économique, effectuer une mission de diplomatie économique et informer le chef de l'Etat sur l'évolution de certains grands dossiers.
D'après l'accusation pourtant, François Pérol a émis, lors du rapprochement des Banques populaires et des Caisses d'épargne, des avis et des propositions aux autorités compétentes.
Or, la loi impose aux fonctionnaires et agents de l'administration publique un délai de carence de trois ans avant de rejoindre une entreprise sur laquelle ils ont formulé des avis et propositions.
PRÉSIDENCE "PARTICULIÈREMENT ACTIVE"
Le tribunal devra examiner les contours du projet de fusion des deux banques, la part des pouvoirs publics dans les choix effectués et l'influence éventuelle de la présidence, et de François Pérol, 51 ans, dans ceux-ci, a indiqué le président de l'audience, Peimane Ghaleh-Marzban, au premier jour du procès.
Le tout dans un contexte de "compression du temps", sur fond de crise financière et de pertes annoncées des Caisses d'épargne en février 2009, notamment, a-t-il précisé.
"Ce procès n'est pas le procès de je ne sais quel système", a-t-il prévenu, dans une allusion au quinquennat de Nicolas Sarkozy. "C'est votre procès."
Les spécificités de la présidence de Nicolas Sarkozy - "particulièrement active", dira François Pérol - ont toutefois émaillé les débats lundi.
"Un certain nombre de dossiers ont effectivement vu l'intervention du président de la République au-delà de son champ de compétences habituel", a ainsi déclaré le prévenu, y voyant un "trait marquant" de cette période.
Mes visiteurs "vivaient tous dans l'idée que Nicolas Sarkozy décidait de tout. Mais ce n'était pas vrai", a-t-il ajouté.
Neuf personnes sont citées comme témoins à ce procès. Parmi elles, le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, cité par la défense, et l'ancien secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant, cité par la CGT, partie civile dans le dossier.
Ils seront tous les deux entendus jeudi matin.
Nicolas Sarkozy, également cité par la CGT, a de son côté indiqué qu'il ne viendrait pas à l'audience, au nom de l'immunité du président de la République.
Dans un courrier adressé au tribunal, il rappelle ne jamais avoir été interrogé par le juge d'instruction dans ce dossier et s'interroge sur la pertinence de son témoignage, hors un seul enjeu médiatique.
Le procès de François Pérol, qui encourt jusqu'à deux ans de prison et 30.000 euros d'amende, est prévu jusqu'au 29 juin. Le jugement devrait être mis en délibéré.
(édité par Yves Clarisse)