par Emi Emoto et Ritsuko Shimizu
TOKYO (Reuters) - Le projet de fusion entre Anheuser-Busch InBev et SABMiller, qui donnera naissance à une entité produisant près d'un tiers des bières consommées dans le monde, est susceptible de réveiller les ambitions internationales des brasseurs japonais, à l'étroit dans un marché domestique saturé.
Asahi Group, Kirin et leurs concurrents locaux détiennent plus de 90% du marché de la bière japonais, mais leur présence est insignifiante à l'international malgré leurs promesses répétées de croître davantage à l'étranger.
Si AB InBev et SABMiller réussissent effectivement à se marier, les brasseurs japonais seront confrontés à un concurrent mondial encore plus redoutable à l'international.
Mais si, pour aboutir à leurs fins, les numéro un et deux mondiaux de la bière sont contraints de céder des actifs, alors Asahi, Kirin et Suntory, entreprise non cotée, seront sur les rangs pour les racheter, ont dit à Reuters des sources proches du dossier.
"Cela donnera aux brasseurs japonais l'occasion d'aller de l'avant avec leurs projets de développement à l'international", a déclaré Yoshiyasu Okihira, analyste chez SMBC Nikko.
Kirin, numéro deux japonais de la bière, a racheté en août dernier Myanmar Brewery, premier brasseur de la Birmanie, pour 560 millions de dollars (490 millions d'euros). Et, en 2014, Suntory a déboursé 16 milliards de dollars pour mettre la main sur le groupe de spiritueux américain Beam.
La morosité du marché de la bière japonais, qui se dirige tout droit vers une 19e année de contraction de suite, pourraint pousser les brasseurs locaux à accélérer leur développement à l'international.
ASAHI ET SUNTORY À L'AFFÛT
Des banquiers ont déjà évoqué avec eux de possibles acquisitions, Asahi et Suntory se montrant les plus intéressés, ont précisé les sources déjà citées.
L'une d'entre elles a noté qu'Asahi était intéressé par le rachat des marques de boissons non-alcoolisées en Europe.
Asahi et Kirin ont refusé de commenter. Un porte-parole de Suntory a dit : "Le paysage concurrentiel a changé (...) ce qui entraîne de nouvelles fusions-acquisitions", sans dire quoi que ce soit au sujet d'éventuels projets du groupe.
La plupart des actifs qu'AB InBev et SABMiller sont susceptibles de devoir vendre se trouvent surtout aux Etats-Unis et en Chine.
Même si les brasseurs japonais regardent plus naturellement du côté de l'Asie du Sud-Est, où le marché de la bière connaît une forte croissance, ils sont également intéressés par les Etats-Unis et la Chine, estiment des analystes financiers.
"Il ne s'agit pas juste d'acheter une marque mais surtout un réseau de distribution. Les entreprises japonaises vendent déjà leurs bières aux Etats-Unis mais dans des lieux bien précis comme les restaurants japonais", a noté Satoshi Fujiwara, analyste chez Nomura Securities.
Il ajoute que toute vente d'actif d'AB InBev ou de SABMiller pourrait se faire au prix fort, ce qui veut dire que les brasseurs japonaises n'emporteront pas forcément le morceau.
Certains observateurs disent que Kirin pourrait se montrer prudent en matière d'acquisitions, le groupe éprouvant toujours des difficultés à dégager des bénéfices du rachat en 2011 d'une participation de contrôle dans le brésilien Schincariol pour quelque 2,6 milliards de dollars.
(Benoît Van Overstraeten pour le service français, édité par Véronique Tison)