PARIS (Reuters) - L'intervention de l'armée française sur un nouveau théâtre d'opérations nécessiterait de se désengager ailleurs ou d'augmenter le budget défense, a estimé vendredi le chef d'état-major des armées à l'heure où plusieurs pays évoquent la possibilité d'une action en Libye contre le groupe Etat islamique.
"Nous sommes au taquet de nos contrats opérationnels", a déclaré le général Pierre de Villiers lors d'une rencontre avec l'Association des journalistes de défense. La France est notamment engagée sur les fronts syrien et irakien (opération Chammal), sahélien (opération Barkhane) et intérieur (dispositif Sentinelle).
A la question de savoir ce qu'il se passerait si l'armée devait s'engager sur un nouveau théâtre d'opérations, il a répondu : "Il y aurait deux solutions : il faudrait se désengager de quelque part ou bien augmenter le budget (défense-NDLR), ce qui demande du temps."
La progression de l'Etat islamique (EI) en Libye inquiète les pays voisins, au premier rang desquels la Tunisie, et les pays occidentaux dont certains sont déjà engagés militairement contre l'organisation djihadiste en Irak et en Syrie.
L'EI a tiré profit du chaos ambiant en Libye depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011 pour prendre le contrôle notamment de la ville de Syrte. Les djihadistes ont également lancé plusieurs attaques depuis le début de l'année contre des installations pétrolières, du côté des terminaux côtiers de Ras Lanouf et d'Es Sider.
La France, qui alerte depuis 2014 sur la situation en Libye, a mené fin novembre des vols de reconnaissance, notamment au-dessus de Syrte, mais écarte pour l'heure toute intervention militaire et mise sur le volet politique.
Mais le rejet cette semaine par le parlement de Tobrouk du gouvernement d'union nationale proposé dans le cadre du plan de réconciliation soutenu par l'Onu et censé résoudre le conflit armé dans le pays a été suivi d'une série de déclarations sur une possible option militaire.
"FAUSSE BONNE IDÉE"
Le président américain Barack Obama a ainsi donné jeudi pour instruction à ses conseillers à la sécurité nationale de contrer les efforts de l'EI pour gagner du terrain en Libye et dans d'autres pays.
A Rome, la ministre italienne de la Défense a quant à elle indiqué que les puissances occidentales se préparaient à combattre l'EI même en cas d'échec des négociations politiques.
"Ouvrir un théâtre, ça dépend : pour quoi faire ?", a souligné le général de Villiers. "Avant tout engagement militaire, il faut une stratégie globale avec un effet final recherché (...) Faire une guerre pour faire une guerre n'apporte pas la paix, on a des exemples récents, la Libye, l'Irak", a-t-il ajouté. "Il faut une réflexion globale, l'évaluation stratégique est en cours, ce n'est pas très facile."
Concernant les fronts irakien et syrien, il a estimé qu'une intervention occidentale au sol était "une fausse bonne idée".
"L'action au sol, c'est une bonne idée, la fausse bonne idée, ce sont des troupes occidentales au sol. Daech (acronyme arabe de l'EI-NDLR) n'a qu'une idée, c'est nous attirer au sol", a-t-il souligné. La clef réside dans les forces terrestres locales "qu'il faut renforcer".
Au total, plus de 15.000 soldats irakiens ont été formés par la coalition formée par les Etats-Unis, dont 1.700 par l'armée française, a-t-il rappelé.
(Marine Pennetier, édité par Tangi Salaün)