par Pascale Denis
(Reuters) - Eurotunnel a dégagé un Ebitda quasiment stable en 2015 et a révisé en baisse sa prévision pour 2016 face au risque de nouveaux incidents liés à la pression migratoire ou au risque d'attentats.
Prudent pour 2016, l'opérateur du tunnel sous la Manche a dit jeudi tabler sur un Ebitda de 560 millions d'euros au lieu des 580 millions attendus auparavant et des 589 millions anticipés par le consensus des analystes.
"Nous sommes à la merci d'accidents dont l'impact pourrait être de 20 millions environ", a précisé à la presse le PDG du groupe, Jacques Gounon.
Cette prévision a été mal accueillie par le marché, le titre Eurotunnel perdant 2,45% à 9,43 euros à 11h20 et accusant une baisse de 17,6% depuis le début de l'année, alors que l'indice SBF 120 (+0,4%) cède 8,3% sur la période.
"Les chiffres sont en ligne mais la prévision pour 2016 est faible", note un trader parisien.
Eurotunnel a précisé avoir porté à 29 millions d'euros sa demande d'indemnisation visant à compenser ses pertes de revenus liées à la crise des migrants dans le port de Calais.
L'opérateur, qui avait réclamé 9,7 millions d'euros aux Etats français et britannique en juillet, a précisé jeudi que l'afflux de migrants durant le mois d'octobre et les annulations de navettes qui en ont résulté s'étaient traduits pour l'ensemble de l'année par une perte de revenus de 26 millions d'euros.
A cette perte se sont ajoutés 3,0 millions d'euros de surcoûts d'exploitation liés à la sécurisation du site.
"Les conséquences financières pour l'entreprise sont somme toute modestes et nous disposons d'un cadre pour réclamer un dédommagement", a précisé Jacques Gounon.
PAS D'INQUIÉTUDE SUR LES PRIX
Il a tenu à remercier les Etats français et britannique pour les "efforts considérables" réalisés pour la mise en place des dispositifs de sécurité.
"Ils ont rempli leur rôle de sécurisation avec une très grande efficacité", a-t-il dit, précisant que la présence des forces de l'ordre était permanente depuis le 23 octobre et que depuis lors aucun incident n'était survenu.
Eurotunnel avait indiqué fin novembre avoir retrouvé son niveau habituel de sécurité.
Par ailleurs, les attentas de novembre lui ont coûté entre 3,0 et 4,0 millions d'euros de pertes de péages d'Eurostar.
L'Ebitda (excédent brut d'exploitation) est resté quasiment stable (+0,5%) à taux de change constants l'an dernier, à 542 millions d'euros, un chiffre légèrement inférieur au consensus ThomsonReuters I/B/E/S de 545,8 millions.
Le groupe avait publié un chiffre d'affaires en croissance de 5% en 2015 (après +7% en 2014), marqué par un fort ralentissement au quatrième trimestre (+1%).
Alors que certains analystes s'interrogent sur l'évolution des tarifs d'Eurotunnel face à la concurrence des ferries de DFDS et P&O, qui devraient bénéficier de la baisse des prix du pétrole, Jacques Gounon s'est dit serein.
"Les opérateurs de ferries ont besoin de restaurer leurs marges et aucune baisse de prix n'a été constatée à ce jour", a-t-il noté.
Il ne voit pas non plus de concurrence sérieuse venir d'autres liaisons, plus longues mais devenues meilleur marché du fait de la chute des prix du pétrole.
"Le prix du temps est supérieur à celui du pétrole. Nous avons la chance d'être sur la route la plus courte. Je n'ai pas d'inquiétude à cet égard."
Les analystes d'Oddo Securities s'attendent à une hausse du chiffre d'affaires d'Eurotunnel limitée à un peu plus de 3% en 2016, tandis que ceux d'Exane BNP Paribas (PA:BNPP) soulignent que les capacités devraient augmenter sur les liaisons transmanche en 2016 et 2017, avec dès cette année la mise en service des deux navires de son ancienne filiale MyFerryLink cédés au danois DFDS.
Le résultat net consolidé a grimpé de 35% à changes constants, à 100 millions d'euros, grâce surtout à une forte baisse du coût de l'endettement financier, et le dividende proposé ressort à 0,22 euro, en hausse de 22%.
(Avec Alexandre Boksenbaum-Granier, édité par Dominique Rodriguez)