Les destructions d'emplois aux Etats-Unis ont fortement accéléré en juin, après quatre mois de baisse, venant rappeler la fragilité de la première économie mondiale, encore loin d'être sortie d'affaire en dépit de l'optimisme qui régnait jusqu'ici dans les milieux boursiers.
Selon les chiffres corrigés des variations saisonnières publiés jeudi par le département du Travail à Washington, l'économie américaine a perdu 467.000 emplois nets en juin, soit 45% de plus que le mois précédent.
Le nombre des destructions d'emplois s'est révélé bien plus élevé que les 365.000 suppressions de postes estimées par les analystes.
Les licenciements du mois de juin ont fait monter le taux de chômage américain de 0,1 point, à 9,5%, ce qui reste son plus haut niveau depuis août 1983.
Ce taux serait bien plus élevé s'il tenait compte des plus de 6,4 millions de personnes disant vouloir trouver un emploi mais non comptabilisées dans la population active pour diverses raisons, ou des neuf millions de personnes contraintes de travailler à temps partiel contre leur gré du fait de la conjoncture économique.
Depuis le début de la récession en décembre 2007, la première économie mondiale a perdu 6,5 millions d'emplois et compte désormais 14,7 millions de chômeurs.
Les destructions d'emplois ont touché tous les pans de l'économie, à l'exception du secteur de l'éducation et des services de santé, et de celui des "autres services" (essentiellement les teintureries).
Le nombre d'emplois sacrifiés a plus que doublé dans le domaine des services, où travaille plus de 85% de la main-d'oeuvre employée non-agricole.
Jetant un jour cru sur la fragilité de la conjoncture américaine, les chiffres du ministère ont fait chuter Wall Street, où l'indice de référence, le Dow Jones, avait gagné 11% d'avril à juin --sa meilleure progression trimestrielle en six ans-- avec les signes de stabilisation de l'économie.
Mais stabilisation ne vaut pas rétablissement comme l'a rappelé la banque centrale (Fed) il y a huit jours, à l'issue d'une réunion de politique monétaire.
Pour la Fed, comme pour le gouvernement et nombre d'économistes, si les Etats-Unis vont, selon toute vraisemblance, renouer avec la croissance au deuxième semestre, la reprise s'annonce cahotique et fragile.
"Le grand nombre de licenciements en juin est un message d'alerte sur le fait que la récession a encore du chemin à faire avant de s'achever", estime l'économiste indépendant Joel Naroff.
Pour Milan Mulraine, analyste de TD Financial, il n'y a rien qui puisse laisser "penser qu'un retournement du marché du travail soit à l'horizon".
"Le chômage va continuer de monter jusqu'en 2010 et en 2010", estime Elsa Dargent, économiste de Natixis, alors que Sal Guatieri, de BMO Capital Markets, s'inquiète de "la source continuelle de risques sur les perspectives économiques" que représentent les destructions d'emplois massives.
Même la baisse des nouvelles inscriptions hebdomadaires au chômages publiée également jeudi par le ministère suscite peu d'enthousiasme.
La tendance semble ralentir, mais il ne s'agit que d'une "inflexion, ce qui est bienvenu, mais bien moins emballant qu'un véritable retournement", relève Ian Shepherdson, de l'institut HFE.
Alors que les effets du plan de relance budgétaire promulgué en février tardent (comme prévu) à se faire sentir, la secrétaire au Travail Hilda Solis, a estimé lors d'une conférence téléphonique que les Américains devaient se montrer encore "patients".