par Julia Fioretti
BRUXELLES (Reuters) - L'autorité européenne de la concurrence a annoncé lundi l'ouverture d'une enquête approfondie sur des accords fiscaux conclus entre le Luxembourg et le groupe français d'énergie Engie, disant craindre que l'ex-GDF Suez n'ait bénéficié d'un avantage "injustifié" sur ses concurrents.
La Commission européenne explique craindre que ces accords conclus depuis 2008 aient permis traiter certaines transactions financières à la fois comme un emprunt et une prise de participation, et donc à les faire profiter d'un double avantage fiscal indu.
Une telle situation aurait assuré à GDF Suez (PA:ENGIE) un avantage déloyal par rapport à d'autres acteurs du secteur, contrevenant aux règles européennes sur les aides d'Etat.
"Les transactions financières peuvent être imposées de différentes manières, en fonction de leur nature - emprunt ou prise de participation - mais une même entreprise ne peut pas gagner sur les deux tableaux pour une seule et même transaction", déclare dans un communiqué la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager.
Une porte-parole d'Engie a déclaré que le groupe prenait note de la décision de la Commission européenne d'ouvrir une procédure "qui ne préjuge en rien de sa décision finale", ajoutant que l'entreprise s'engageait à coopérer pleinement avec la Commission.
Engie est présent au Luxembourg depuis 1933 et il y emploie actuellement 300 personnes environ.
La décision de Bruxelles s'inscrit dans le droit fil des sanctions infligées par la Commission à plusieurs multinationales reconnues coupables d'optimisation fiscale "agressive".
La plus spectaculaire, le mois dernier, a vu Bruxelles demander au gouvernement irlandais de récupérer 13 milliards d'euros d'impôts auprès d'Apple (NASDAQ:AAPL), une décision qui a suscité la colère de Washington comme celle de Dublin.
"AUCUN TRAITEMENT FISCAL PARTICULIER", DIT LE LUXEMBOURG
Accusée de prendre pour cible en priorité les entreprises américaines, ce qu'elle dément, Margrethe Vestager doit rencontrer cette semaine aux Etats-Unis le secrétaire au Trésor américain, Jack Lew.
Un porte-parole de la Commission a déclaré que l'annonce de la décision sur Engie juste avant cette rencontre était une coïncidence.
La procédure européenne visant le groupe français concerne deux transactions financières réalisées en 2009 et 2011 entre différentes sociétés de GDF Suez.
"Au final, il semble qu'une part significative des bénéfices enregistrés par GDF Suez au Luxembourg par l'intermédiaire de ces deux montages ne soit pas imposée du tout", souligne le communiqué de l'exécutif communautaire.
Les emprunteurs - GDF Suez Treasury Management et GDF Suez LNG Supply - ont pu constituer des provisions au titres des intérêts dus aux prêteurs et parallèlement, les revenus perçus par les prêteurs ont été considérés comme l'équivalent de dividendes, entraînant une double non-imposition, explique-t-il.
Un porte-parole de la Commission a dit qu'il était trop tôt pour estimer quel montant Engie pourrait devoir payer si l'infraction aux règles sur les aides d'Etat était établie.
Le ministère luxembourgeois des Finances a quant à lui assuré qu'"aucun traitement fiscal particulier ou avantage sélectif n'a été octroyé à des sociétés du groupe Engie à Luxembourg".
Les services de Margrethe Vestager ont déjà ouvert plusieurs dossiers sur des accords fiscaux conclus entre le Luxembourg et des multinationales, parmi lesquelles McDonald's et Amazon (NASDAQ:AMZN).
En décembre, Bruxelles avait ordonné à Fiat de rembourser près de 30 millions d'euros au Luxembourg.
(avec Benjamin Mallet à Paris; Marc Angrand pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)