L'économie tunisienne, très dépendante du tourisme et des investissements étrangers, peine à sortir du marasme près de cinq mois après la chute du régime Ben Ali, dans un contexte d'incertitude politique, de grogne sociale et d'instabilité à la frontière libyenne.
La Tunisie, habituée ces dernières années à des taux de croissance de 5%, s'attend à une stagnation de son économie en 2011. Quant au chômage, qui a causé la perte de l'ancien pouvoir en place, il pourrait bien grimper de 13% de la population active en 2010 à 20%, admet le gouvernement.
"La révolution exacerbe des problèmes déjà existants de manière assez dramatique, dans une conjoncture difficile", souligne l'économiste tunisien Mohamed Ben Ramdhane. "L'instabilité affecte le tourisme. Et les investisseurs n'aiment pas les environnements imprévisibles", résume-t-il.
Depuis la révolte populaire qui a donné en janvier le coup d'envoi du "printemps arabe", la Tunisie a retrouvé un calme relatif mais le climat social et sécuritaire reste précaire: grèves à répétition, spéculations sur l'inflitration d'Al Qaïda sur le territoire, crise libyenne qui déborde sur la frontière sud du pays et provoque l'afflux de réfugiés...
Sur le plan politique, le pays continue d'être dirigé par un gouvernement de transition, qui peine à fixer la date des prochaines élections censées remettre le pouvoir dans des mains légitimes.
Cette période trouble traîne en longueur et freine la reprise du tourisme, pilier de l'économie qui génère près de 7% du PIB et emploie quelque 400.000 personnes.
Avec une chute de fréquentation de 41% et une baisse de 48% des recettes sur les quatre premiers mois de l'année, selon l’Office national du tourisme tunisien (ONTT), la saison 2011 s'annonce morose, malgré des campagnes de publicité vantant à l'étranger les mérites de la "Tunisie nouvelle".
Les investisseurs étrangers, eux, restent frileux. Les investissements directs étrangers (IDE), important moteur de création d'emplois, se sont effondrés de près de 25% sur les quatre premiers mois de l'année comparé à la même période en 2010, selon l'Agence tunisienne de promotion de l'investissement extérieur.
"La sphère politique mène des discussions byzantines sur la date de l'élection et délaisse les problèmes de fond", commente l'expert Abdeljalil Bedoui, en déplorant l'"absence de message politique et économique clair".
De l'avis général, les dirigeants tunisiens doivent relever en priorité un défi hérité de l'ère Ben Ali: réduire les inégalités régionales et créer des emplois, particulièrement pour les jeunes diplômés, dont 80.000 arrivent chaque année sur le marché du travail.
Selon certains experts, la situation n'est pas encore catastrophique.
Les exportations (électrique, mécanique, agroalimentaire, textile) ont augmenté de plus de 11% sur les quatre premiers mois de 2011, et la récolte agricole s'annonce bonne.
En outre, "l'inflation ne s'enflamme pas, et notre dette publique ne dépasse pas les 45% (du PIB)", souligne M. Bedoui.
La communauté internationale, enfin, a promis 40 milliards de dollars pour soutenir le "printemps arabe".
Mais "ces aides risque d'enfoncer notre pays dans l'endettement", prévient l'économiste. "Nos partenaires doivent soutenir la révolution en renonçant à une partie du remboursement de la dette".
Pour Mohamed Ben Ramdhane, le programme d'investissement massif projeté par la Tunisie, soutenu par des prêts internationaux, est absolument nécessaire. Selon lui, la relance passera par "le financement d'infrastructures, le soutien aux PME et l'aide aux régions délaissées".