La dette publique des Etats-Unis a confirmé mardi son statut de valeur plébiscitée par les investisseurs inquiets, le rendement obligataire à 10 ans tombant à un niveau jamais vu alors que les marchés s'affolent de nouveau face à la crise de la dette en zone euro.
Dans la tempête, les investisseurs se détournent des actifs qu'ils jugent les plus risqués, comme les actions ou les obligations publiques des pays les plus fragiles de la zone euro, au profit des titres les plus sûrs, comme l'or et la dette de l'Etat fédéral américain.
Vu la forte demande pour ces titres, leur taux chutent, car les acheteurs sont prêts à accepter un plus faible retour sur investissement en échange de la sécurité.
Vers 16H15 GMT, le rendement du bon du Trésor à 10 ans se repliait à 1,979% contre 1,996% vendredi soir, après avoir plongé jusqu'à 1,929%, du jamais vu.
Le taux à 30 ans reculait à 3,246, contre 3,311%, évoluant au plus bas depuis janvier 2009.
"Quand tout le monde se précipite sur le peu d'actifs sans risque qui existent, leur valorisation explose", a constaté Evariste Lefeuvre, économiste chez Natixis.
"Même si on a eu cette discussion sur le plafond de la dette, le marché le plus liquide au niveau mondial, est le marché des bons du Trésor. Quand vous le vendez, il y a toujours quelqu'un pour le racheter", a-t-il expliqué.
Les autres pays aux finances jugées les plus fiables ont connu le même mouvement: le taux du Bund allemand à 10 ans a touché un nouveau plus bas historique à 1,824%, et celui du Gilt à 10 ans est tombé à 2,237%, près de son record de faiblesse du mois d'août.
En France, pays noté "AAA" par les agences de notation, comme l'Allemagne et le Royaume-Uni, le taux de l'OAT (nom donné au bon du trésor français) à 10 ans évolue au plus bas depuis octobre 2010.
Les investisseurs s'interrogent sur la mise en place du nouveau plan d'aide à la Grèce, qui divise les pays européens, d'autant qu'Athènes ne parvient pas à atteindre ses objectifs de réduction de déficit. En Italie, le Sénat devait examiner un plan d'austérité, sur fond de manifestations et de tergiversations du gouvernement.
Alimentant le climat d'inquiétude, le parti de la chancelière allemande Angela Merkel a subi une défaite lors d'élections régionales, sanctionné notamment pour sa gestion de la crise européenne.
"La crise de la dette continue de s'aggraver", a estimé Mary Ann Hurley, qui suit le marché obligataire pour DA Davidson.
Dans le même temps, "je pense que l'économie américaine, même si elle n'est pas à des niveaux de récession, a tendance à s'affaiblir", a-t-elle ajouté.
Les chiffres très décevants de l'emploi publiés vendredi à Washington ont relancé les spéculations sur l'adoption de nouvelles mesures de la banque centrale américaine (Fed), par exemple par le biais de titres de dette à long terme, ce qui pèse sur les taux de ces derniers actifs.
La dégringolade des taux obligataires américains cet été (le taux à 10 ans évoluait autour des 3% fin juillet) se reflète lors des opérations de levée de dette du gouvernement. Fin août, le pays a ainsi levé de la dette à échéance deux ans en bénéficiant d'un taux d'intérêt qui n'avait jamais été aussi faible.
Autrement dit, la forte demande pour les bons du Trésor permet au gouvernement de s'endetter à un coût historiquement faible, au moment même où les Etats-Unis viennent de perdre leur "AAA", note de solvabilité maximale, auprès de l'agence d'évaluation financière Standard & Poor's.
Mais les autres principales agences, Fitch et Moody's, ont confirmé la note maximale du pays, a relevé Mary Ann Hurley.
Et "l'idée de base, c'est que les Etats-Unis ne sont pas la Grèce, le pays va régler ses factures. Et le dollar reste la monnaie de réserve: en cas de recherche de qualité, les gens rapatrient leurs fonds aux Etats-Unis," a noté l'analyste.