Le patron d'Air France-KLM, Pierre-Henri Gourgeon Pierre-Henri Gourgeon, a été poussé vers la sortie lundi par son ancien mentor, Jean-Cyril Spinetta, qui va reprendre les manettes de la compagnie après un conflit ouvert, alors que le groupe franco-néerlandais peine à se redresser.
M. Gourgeon a présenté sa démission lors d'un Conseil d'administration extraordinaire. Mais cette démission apparaît davantage comme un limogeage, plusieurs sources proches du dossier ayant confié à l'AFP combien le climat était dégradé entre les deux hommes ces derniers mois.
A 68 ans, M. Spinetta reprend donc les manettes d'Air France-KLM en tant que PDG après avoir déjà dirigé le groupe pendant près de 12 ans, a annoncé le groupe dans un communiqué publié lundi soir.
Il sera épaulé par le Néerlandais Leo Van Wijk, avec lequel ils ont créé le groupe Air France-KLM, né du rapprochement des compagnies nationales française et néerlandaise en 2004.
Alexandre de Juniac, ancien directeur de cabinet de l'ex-ministre de l'Economie Christine Lagardre, devient lui président-directeur général de la compagnie Air France, la branche française du groupe. Jusqu'à présent M. Gourgeon, 65 ans, occupait la double fonction de directeur général d'Air France-KLM et d'Air France. Il n'avait donc jamais obtenu le titre de président, contrairement à M. de Juniac, 48 ans, nouveau venu dans le groupe.
Dans une lettre adressée aux 50.000 employés d'Air France et que l'AFP a pu se procurer, M. Gourgeon explique que "cette décision, totalement inattendue," lui a été annoncée seulement vendredi après-midi.
Visiblement affecté, il a reçu de nombreuses marques de soutien lundi et notamment des familles de victimes du crash Rio-Paris, une des pires épreuves qu'il a eu à gérer, a rapporté à l'AFP une source interne à Air France. Par ailleurs, les pilotes ont voté contre le départ de leur patron, critiquant "le retour en arrière" effectué par le groupe, selon cette source.
Mais pour les administrateurs, ce remaniement se justifie par la nécessité d'améliorer "la performance opérationnelle et financière". Le groupe est moins compétitif que ses concurrents européens et les derniers résultats trimestriels publiés en juillet font état d'une perte de près de 200 millions d'euros.
Les nouveaux dirigeants devront "renforcer la compétitivité, la productivité et la qualité de service" du groupe qui fait face à la concurrence des +low cost+ et des compagnies d'Asie et du Moyen-Orient, a résumé de son côté le ministre des Transports Thierry Mariani.
Ces mauvais comptes du groupe peuvent expliquer la brutalité du remaniement, estime-t-on de source syndicale. Au sein du groupe, "c'est KLM qui fait les bons résultats", explique un syndicaliste sous le couvert de l'anonymat.
Le poids des Français et des Néerlandais est aussi un sujet délicat. Et les administrateurs ont décidé lundi de repousser à courant 2013 "la mise en place d'une holding Air France-KLM de plein exercice, qui devait avoir lieu au début de l'année 2012".
Cette structure aurait certainement renforcé le poids des Français. L'Etat français, qui détient 15,7% du capital, s'est d'ailleurs oppposé lundi à la nomination du Néerlandais Leo Van Wijk, selon cette même source.
La création de cette holding devait s'accompagner d'un changement de génération au sein du groupe. Selon les plans initiaux, un successeur devait être nommé rapidement à la tête d'Air France afin de se faire la main avant de prendre la place de M. Gourgeon à la tête d'Air France-KLM.
Mais cette nomination, annoncée comme imminente depuis des semaines, tardait à se concrétiser car M. Gourgeon défendait la candidature de M. Juniac tandis que M. Spinetta plaidait pour Lionel Guérin, PDG de Transavia, la filiale low cost d'Air France. Juniac n'est donc pas le candidat de Spinetta, ce qui pourrait compliquer leur début de collaboration. D'autant qu'il est un novice dans l'univers des services même s'il connaît bien l'industrie aéronautique pour avoir passé plus de dix ans chez Thales.
Lui-même a admis, lors d'un entretien avec l'AFP, avoir "tout à apprendre". "J'ai quelques idées mais il faut les confronter à la réalité avant de les exposer et de les mettre en oeuvre ", a-t-il expliqué.