Pour éviter une "faillite" de la France, François Fillon a annoncé lundi un nouveau plan de rigueur de 7 milliards d'euros, vivement critiqué à gauche, avec une accélération de la réforme des retraites, une hausse ciblée de la TVA et de l'impôt sur les sociétés. Evénement
"Le mot de faillite n'est plus un mot abstrait", a averti le Premier ministre qui l'avait déjà employé en 2007, s'attirant à l'époque les foudres de l'Elysée.
Il est urgent de "sortir de la spirale dangereuse" de "la stagnation, de l'endettement et de la sous-compétitivité" même au prix de "sacrifices", a-t-il fait valoir.
Etalé sur quatre ans, l'effort supplémentaire prévu par ce deuxième plan de rigueur en moins de trois mois représentera 7 milliards d'euros dès 2012.
Il doit permettre à la France d'épargner près de 65 milliards d'euros de dette supplémentaire d'ici à 2016. Pour "arriver à zéro déficit" dans ce délai, "il faudra économiser un peu plus de 100 milliards d'euros", selon le Premier ministre.
Fait rarissime, le budget de l'an prochain est ainsi profondément remanié avant même d'avoir été adopté par le Parlement.
L'objectif de l'exécutif est constant: ramener le déficit public à 4,5% du PIB en 2012, avec une prévision de croissance revue drastiquement à la baisse à 1% contre 1,75% auparavant. Il en va, a répété M. Fillon, de la sauvegarde du précieux "triple A" de la France, placé sous surveillance par l'agence de notation américaine Moody's.
Le gouvernement, a-t-il dit, a retenu trois principes: une programmation pluriannuelle, "ne pas casser les moteurs de la reprise économique" et un dispositif qui se veut "équitable".
"Incohérent, injuste et inconséquent", a répliqué sur France 2 François Hollande, le candidat PS à la présidentielle. C'est un "constat d'échec que le Premier ministre, au nom du président de la République, a dressé", a-t-il dit.
Proche de M. Hollande, le président PS de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, Jérôme Cahuzac, a déjà pronostiqué un troisième plan cet hiver. Une hypothèse écartée par Valérie Pécresse (Budget), l'Etat disposant, selon elle, de 6 milliards d'euros de crédits mis en réserve en cas "d'accident de croissance".
Parmi les mesures phare du plan figure une hausse ciblée du taux réduit de la TVA porté de 5,5% à 7%, comme en Allemagne, à l'exclusion de l'alimentation, de l'énergie et des services aux handicapés. Cette mesure concernera la restauration et le bâtiment, notamment.
Sur ce point, le gouvernement effectue une volte-face complète: le 20 octobre dernier, M. Fillon affirmait que relever ce taux serait un "contre-sens économique", en raison des conséquences sur l'emploi.
Les organisations professionnelles ont immédiatement répliqué: les engagements sur l'emploi, les prix et les salaires pris en échange du taux réduit sont "caducs", ont averti les restaurateurs.
Leurs critiques ne sont pas "crédibles", a répliqué M. Fillon dans le 20 heures de TF1.
L'application de la réforme qui relevait en 2010 à 62 ans l'âge légal de départ à la retraite sera avancée de 2018 à 2017.
Autre mesure touchant le plus grand nombre: la revalorisation de la plupart des prestations sociales sera gelée à 1% pour 2012, indexée non plus sur l'inflation mais sur la croissance attendue.
Une majoration temporaire de 5% de l'impôt sur les sociétés frappera en 2012 et 2013 celles dont le chiffre d'affaires dépasse 250 millions d'euros.
Les niches fiscales seront de nouveau rabotées, de 2,6 milliards d'euros d'ici à 2016, avec la suppression anticipée du dispositif Scellier de réduction d'impôt pour les investisseurs dans l'immobilier.
Quelques mesures ont une portée symbolique, comme le gel du salaire du chfe de l'Etat et des ministres ou l'appel aux dirigeants des grandes entreprises, en particulier du CAC 40, à faire de même.
"Je ne sais pas s'il faut en rire ou en pleurer", a commenté M. Hollande, rappelant que "le président de la République s'était augmenté de 170% au début du quinquennat".
Il a promis une baisse de 30% de son salaire de président et de celui de ses ministres s'il était élu en mai 2012.
Au total, les dépenses de l'Etat seront réduites de 500 millions d'euros supplémentaires en 2012, portant cet effort d'économie à 1,5 milliard de plus par rapport à 2011.
Au centre, François Bayrou (MoDem) a dénoncé "un manque de justice" et appelé à un "plan d'ensemble".
La CGT veut une riposte intersyndicale. "Le gouvernement est dans la main des marchés" et cette "logique d'austérité est une logique suicidaire", a dénoncé Jean-Claude Mailly (FO).
Verdict du Crédit suisse: ces annonces confirment "la volonté du gouvernement" de réduire les déficits publics mais ne devraient "aucunement atténuer les préoccupations de certains des acteurs du marché sur la note AAA du pays".