Les salariés de France Télécom sont appelés à observer une journée d'action pour dénoncer la souffrance au travail, le jour d'une négociation sur le stress et alors que le groupe a déjà fait quelques avancées pour tenter de stopper une série de 24 suicides en moins de deux ans.
A la veille de cette journée d'action, France Télécom, fragilisée par la vague de suicides, a fait un pas vers ses salariés en annonçant lundi le remplacement du numéro deux du groupe et une prolongation jusqu'à la fin de l'année du gel des mutations.
Louis-Pierre Wenes, directeur général adjoint en charge des opérations France, a présenté sa démission à Didier Lombard, qui l'a acceptée. L'homme, qui avait focalisé l'animosité des syndicats reste toutefois "conseiller du président", a précisé la direction.
A la Bourse de Paris, France Télécom a gagné du terrain (+2,03% à 18,03 euros), après avoir l'annonce du remplacement.
"Rien ne justifie que des hommes et des femmes mettent fin à leurs jours. Hier comme aujourd'hui, je ne peux l'accepter", a déclaré M. Wenes dans un courrier interne aux salariés. Des propos qui tranchent avec la sévérité de ses déclarations récentes au Nouvel Observateur, où il regrettait qu'"une petite partie des employés n'arrivent pas à changer de culture: passer du 22 à Asnières à la Livebox internet".
Les syndicats se sont félicité lundi de ce départ: "On a réussi", s'est réjoui Patrice Diochet (CFTC), estimant que c'était "la première mesure pour montrer la volonté de France Télécom de changer le mode de management de l'entreprise".
Pour Patrick Ackermann (Sud-PTT), cette nouvelle est "un premier pas", car M. Wenes, "un des responsables des plans de suppressions d'emplois", était "une éminence grise de Didier Lombard, il s'est en quelque sorte coupé un bras, ce n'est pas rien". "Cette mesure est de l'ordre du symbolique", a tempéré Sandrine Leroy (FO), tandis que Pierre Morville (CFE-CGC-Unsa) a rappelé son exigence de "mesures concrètes".
Première avancée sur ce point, la direction, qui avait annoncé début septembre la suspension des mobilités de salariés jusqu'au 31 octobre, va prolonger ce gel des mutations jusqu'à la fin de l'année.
Une réponse aux syndicats, qui demandaient un "moratoire" jusqu'à la fin des négociations sur le stress au travail fin décembre, alors que les cadres ont déjà obtenu la fin des mobilités forcées tous les trois ans.
"C'était quand même la première attente du personnel", a souligné Christian Mathorel (CGT). Cette mesure "contribuera à apaiser le climat de la négociation en cours", ajoute Sud-PTT. Selon FO, ces deux annonces "montrent que la direction commence à prendre conscience du problème. Cela va être plus simple pour négocier".
Le remplacement de M. Wenes par Stéphane Richard, appelé à devenir PDG en 2011, ne rassure cependant pas les syndicats.
Sud s'est déclaré "plutôt inquiet" de la nomination d'"un proche de Sarkozy et ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde", qui "n'a pas souhaité pour l'instant prendre contact avec les organisations syndicales, ni avant la crise, ni maintenant". M. Richard est dans le groupe depuis début septembre, sans poste opérationnel.
Pour Xavier Major (CFDT), "ça n'est pas la personne, c'est la politique qui est importante. Nous attendons de M. Richard une politique de dialogue social, opposée à celle de M. Wenes". Même position pour la CGT, qui préfère se focaliser sur "les choix stratégiques qui seront faits". Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP, a salué dans ce changement de personnes "quelque chose de très important" et l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin "une initiative heureuse".
Mais ces nouvelles annonces n'ont pas changé le mot d'ordre des syndicats, qui appellent toujours à deux journées d'actions, mardi et mercredi, accompagnées de préavis de grève. "On réaffirme la nécessité d'une mobilisation du personnel dans l'unité", a déclaré la CGT.