La justice a prononcé jeudi la liquidation sans poursuite d'activité de Technicolor Angers, laissant sur le carreau les 350 salariés du site, qui ont voté l'occupation de leur usine à partir de vendredi.
Dernier site de production en Europe du groupe français, l'usine, spécialisée dans la fabrication de décodeurs numériques, a vu sa liquidation prononcée par le tribunal de commerce de Nanterre, en l'absence d'offre de reprise.
A Angers, dans un silence de plomb, quelque 250 salariés rassemblés devant l'usine ont accueilli cette décision en jetant solennellement leurs blouses blanches dans un feu de palettes. Ils ont ensuite jeté au feu le bureau du directeur du site.
"Nous sommes en colère, depuis des mois. On a voulu nous embarquer, nous faire croire des choses et au bout du compte il n'y a rien du tout", a déclaré lors de la manifestation une représentante de l'intersyndicale CGT-CFDT-CFE/CGC, Martine Guilbert.
Les 350 salariés devraient recevoir leur lettre de licenciement dans les 15 jours. Ils font face à des perspectives de reconversion difficiles, avec une moyenne d'âge de 53 ans, selon les syndicats.
"Technicolor a décidé de se débarrasser de son site. En choisissant la voie judiciaire, elle s'est désengagée de ses responsabilités et pense s'exonérer de ses obligations sociales et financières", a réagi au tribunal Odile Coquereau, déléguée syndicale CGT.
Les salariés ont voté jeudi l'occupation quotidienne du site, de 09H00 à 16H30 à partir de vendredi, pour obtenir de Thomson des primes supralégales de licenciement. "On va rester dans cette usine, on ne va pas la lâcher: on a 15 jours pour mettre la pression sur Technicolor", a déclaré Mme Guilbert.
L'intersyndicale CGT-CFDT-CFE/CGC a par ailleurs appelé à une manifestation mercredi à 10H00 à Angers.
Selon l'avocat du comité d'entreprise, Me Jean-Pierre Bougnoux, une action judiciaire pourrait être engagée à l'encontre de Technicolor pour que l'entreprise "finance un plan social".
"Continuer à faire vivre l'activité"
En outre, "l'intersyndicale demande que le Premier ministre Jean-Marc Ayrault (...) convoque le directeur général (de Technicolor) Frédéric Rose, pour lui demander des comptes et pour lui demander d'assumer financièrement la responsabilité de la liquidation de l'usine d'Angers", a indiqué un porte-parole de l'intersyndicale, Guillaume Trichard.
Exploité par Thomson Angers, filiale du groupe de matériel de télécommunications et audiovisuel Technicolor, le site angevin avait déposé son bilan le 25 mai et avait été placé en redressement judiciaire le 1er juin.
Le gouvernement a appelé jeudi soir Technicolor à "prendre ses responsabilités" et à "s'engager à financer les mesures sociales d'accompagnement qui seraient nécessaires pour que chaque salarié puisse retrouver au plus vite une solution d'emploi".
L'Etat "mobilisera de son côté les dispositifs publics de retour à l'emploi pour aider les salariés", ont ajouté dans un communiqué commun le ministre du Travail Michel Sapin et la ministre déléguée aux PME Fleur Pellerin.
Jean-Claude Antonini, président PS de l'agglomération d'Angers, a réaffirmé jeudi que la collectivité locale était prête à racheter le site industriel et l'outil de production de Technicolor pour "continuer à faire vivre l'activité".
Car selon des sources proches du dossier, la liquidation judiciaire pourrait paradoxalement faciliter une reprise d'activité industrielle sur le site avec réembauche d'une partie des salariés.
Deux offres ont été évoquées au cours du redressement judiciaire. Si elles n'ont pas été formellement déposées, ces deux offres éventuellement complémentaires restent d'actualité, selon ces sources.
L'une d'elle est portée par la société tourangelle Eolane et concernerait 80 salariés pour une activité photovoltaïque. L'autre offre, élaborée par la société Minerva et qui concernerait une centaine de salariés, prendrait la forme d'un atelier partagé de cartes électroniques.