Malgré la récession et un niveau de chômage jamais atteint dans la zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) a laissé jeudi son principal taux directeur inchangé à 0,75%, soit son plus bas niveau historique auquel il est fixé depuis juillet 2012.
Ce choix n'a pas surpris les observateurs, qui s'attendaient à un maintien du statu quo, même si certains estimaient que la situation économique actuelle réclamait un nouvel assouplissement de la politique monétaire de l'institution de Francfort (ouest).
La décision a été prise à l'unanimité et personne n'a proposé une baisse de taux jeudi, contrairement à la réunion de décembre, a souligné le président de la BCE Mario Draghi, lors de sa conférence de presse mensuelle. Ce qui a été interprété par les analystes comme un signe que la situation restera figée au cours des prochains mois.
L'unanimité a été motivée par "l'amélioration significative des conditions sur les marchés financiers" et par "une stabilisation générale de certains indicateurs de conjoncture", a expliqué M. Draghi.
Il a cité entre autres l'embellie des indices de confiance, le retour des capitaux vers la zone euro, la baisse des taux d'emprunt de certains Etats en difficulté, encore illustrée jeudi par le succès des premières émissions obligataires de l'Espagne et l'Italie.
Madrid a même pu lever davantage que le montant maximum visé de 5 milliards d'euros, avec 5,816 milliards d'euros empruntés à moyen et long termes tandis que sur le marché secondaire, où s'échange la dette déjà émise, son taux d'emprunt à 10 ans est passé sous les 5% pour la première fois depuis dix mois.
Ces progrès, à mettre notamment au bénéfice du nouveau programme de rachat de dette des Etats de la BCE (programme OMT, annoncé en septembre), sont toutefois loin d'être suffisants pour permettre à la zone euro de baisser la garde, a averti M. Draghi.
"La situation actuelle est marquée par une incertitude élevée, liée aux risques géopolitiques, au prix des matières premières et du pétrole et aux politiques gouvernementales", a-t-il notamment estimé.
"Il est trop tôt pour crier victoire", a-t-il ajouté, invitant les responsables politiques à poursuivre leurs efforts d'assainissement des finances publiques et de réformes pour améliorer leur compétitivité, et les banques à assainir leurs bilans.
La BCE s'attend toujours à ce que l'économie de la zone euro "continue de faiblir" début 2013, avant "une reprise graduelle" plus tard dans l'année, a rappelé M. Draghi.
En décembre, l'institution avait livré des prévisions pessimistes: elle s'attend à un recul du produit intérieur brut (PIB) de la région de 0,3%, contre une hausse de 0,5% pronostiquée trois mois auparavant. Une prudence qui permettra d'éviter les déceptions, estime Christian Schulz, économiste de la banque Berenberg.
Interrogé sur le niveau de chômage record en zone euro (11,8% de la population en novembre), M. Draghi a rappelé que la BCE avait pour seul mandat de maintenir l'inflation sous la barre des 2% à moyen terme et non de lutter contre ce phénomène, contrairement à la Réserve fédérale américaine.
L'objectif de stabilité des prix contribue toutefois à assurer croissance et emploi à long terme, a-t-il ajouté, tout en soulignant que les chiffres actuels montrent une composante structurelle, et pas seulement liée à la conjoncture, qui nécessite des réformes.
Le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, s'est lui alarmé de ce phénomène jeudi, lors de son audition devant le Parlement européen.
"Nous sous-estimons d'une manière générale l'énorme tragédie du chômage, qui finalement nous écrase", a-t-il déploré, estimant que "la dimension sociale est l'enfant pauvre de l'Union économique et monétaire".
M. Juncker, qui doit passer à la main fin janvier, a cependant loué les réussites de la zone euro en 2012, qui fut "plutôt une bonne année", alors que certains analystes et investisseurs avaient parié sur son explosion.