Après les salariés du métro, le gouvernement grec a réquisitionné mercredi les marins grévistes pour assurer la desserte des îles, et affirmer sa volonté de lancer coûte que coûte les difficiles réformes demandées par les créanciers, zone euro et FMI.
Le jour n'était pas encore levé mercredi matin, que la police anti-émeutes s'est déployée au Pirée, le grand port desservant Athènes, pour encadrer la prise de travail des marins réquisitionnés à partir de 04H00 GMT. Les premiers ferries ont alors pris la mer, après une semaine à quai en raison de la grève déclenchée par le syndicat de marins PNO.
"J'attends à Athènes depuis une semaine pour trouver un bateau, les avions sont pleins" s'est réjoui un passager italien, Zeppo Varardi, 52 ans, rencontré par l'AFP sur les quais du Pirée.
"Certains des bateaux à l'arrivée ont dû accoster sur des quais différents en raison de la présence de piquets de grève" a indiqué une porte-parole du ministère de la Marine marchande. Mercredi matin, six bateaux sont partis pour les Cyclades, et deux autres étaient attendus de Crète.
Alors que le syndicat avait voté mardi pour une prolongation de 48 heures de la mobilisation, le recours de la coalition au pouvoir à l'arme de la réquisition, pour la deuxième fois en deux semaines après une opération similaire dans le métro, est sévèrement critiqué par l'opposition de gauche.
Un député de la gauche radicale Syriza y a vu "la transformation d'une démocratie parlementaire en une +junte+ parlementaire favorisant les intérêts du capital à ceux des salariés".
Les médias grecs voient, quant à eux, dans ce durcissement social, des gages donnés par le gouvernement aux bailleurs de fond du pays, tandis que les représentants de la troïka UE-BCE-FMI sont attendus fin février à Athènes.
Plusieurs milliers de manifestants, marins et militants communistes, se sont rassemblés devant le ministère de la Marine marchande au Pirée, dénonçant un "terrorisme" étatique. Les marins protestent contre une dérégulation, imposée par l'Union européenne, du secteur des ferries, ouvrant la voie à une réduction du nombre de membres d'équipages à bord, alors que le chômage touche selon le syndicat plus de 7.000 marins pour quelque 15.000 actifs.
Ils demandent aussi la signature de conventions collectives et contestent le coupes dans leur protection sociale et leurs retraites découlant des mesures d'austérité imposées à la Grèce depuis 2010 en échange de son sauvetage financier par l'UE et le FMI.
Ils réclament enfin le paiement d'arriérés de salaire dépassant les six mois sur certaines compagnies de ferries, dans un secteur frappé de plein fouet par la crise, mais réputé pour son opacité financière.
Le ministre de la Marine marchande Costis Moussouroulis avait indiqué lundi soir avoir obtenu des engagements du patronat pour épurer en deux tranches ces impayés.
Au quotidien, le bateau reste un lien vital de transport en Grèce, composée d'une multitude d'îles. Certaines, comme la Crète, alimentent le pays et ses voisins en produits agricoles, d'autres sont totalement dépendantes des ferries aussi bien pour la nourriture que pour les médicaments et autres équipements.
La Chambre de commerce des Cyclades avait mardi imploré les marins de reprendre le travail: "les îles ont atteint leurs limites. Cette guerre non déclarée doit s'arrêter" avait indiqué un communiqué de la Chambre. La presse se faisait l'écho par ailleurs de vives tensions en Crète mardi, certains producteurs agricoles ayant obligé l'équipage d'un ferry à quai à partir pour le Pirée, forçant le blocus syndical des marins.