BRUXELLES (Reuters) - Les propositions publiées mercredi par la Commission européenne pour le prochain budget de l'Union européenne (UE) comportent des coupes dans certains domaines et de nouvelles sources de revenus pour compenser le trou laissé par le départ de la Grande-Bretagne.
L'exécutif européen observe que bénéficier de fonds communautaires devrait être assujetti au respect des valeurs fondamentales de l'UE.
Les options présentées par la Commision seront débattues par les chefs d'Etat et de gouvernement le 23 février et elle soumettra début mai ses propositions définitives touchant au prochain budget à long terme 2021-2027.
"Les budgets ne sont pas des exercices comptables; ils reflètent nos priorités et notre ambition. Ils sont la traduction en chiffres de notre avenir. Commençons donc par débattre de l'Europe que nous voulons", a déclaré Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, dans un communiqué publié mercredi. "Ensuite, les États membres devront mettre leurs moyens financiers à la hauteur de leurs ambitions."
Le commissaire européen au Budget a affirmé lors d'une conférence de presse que le prochain budget de l'UE devrait être plus important que l'actuel afin de financer les nouvelles mesures envisagées par le bloc, notamment sur les questions sécuritaires et migratoires.
Günther Öttinger a précisé que le budget pour la période 2021-2027 devrait correspondre à un pourcentage du PIB européen compris entre 1,1 et 1,2%, contre 1,0% actuellement.
DES FONDS "A LA FONCTION STABILISATRICE"
Afin de répondre à la volonté émise par la France de créer un budget spécifique pour la zone euro, la Commission préconise d'allouer au moins 25 milliards d'euros à la zone euro, afin de financer des réformes structurelles à l'échelle nationale mais aussi d'aider les pays qui ne font pas partie de la zone euro à se rapprocher de l'adoption de la monnaie unique.
La Commission estime par ailleurs que la zone euro devrait pouvoir disposer de fonds "à la fonction stabilisatrice" pour la prémunir de nouvelles crises.
Ces fonds seraient épargnés "progressivement au fil du temps" et reposeraient sur des subventions et des prêts garantis par le budget de l'UE - dont la contribution "n'aurait pas forcément besoin d'être très élevée"-, ainsi que sur des prêts du Fonds monétaire européen (FME) et un mécanisme d'assurance volontaire basé sur des contributions nationales.
La proposition constitue un compromis entre la position de l'Allemagne, défavorable à un budget spécifique pour la zone euro, et celle de la France, plus ambitieuse.
Emmanuel Macron plaide pour la création d'un budget de plusieurs centaines de milliards d'euros pour la zone euro, avec un ministre des Finances de la zone euro et un Parlement de la zone euro.
PRESSION SUR LA POLOGNE
Dans ses propositions, la Commission européenne émet aussi le souhait que l'accès aux fonds européens soit conditionné au respect des valeurs démocratiques. Bruxelles entend ainsi faire pression sur des pays comme la Pologne, dont le gouvernement est accusé de ne pas respecter ses propres lois et de nuire à l'indépendance de la justice.
La Commission européenne a annoncé une procédure contre la Pologne face au risque de violation de l'Etat de droit - procédure susceptible de déboucher sur une suspension des droits de vote de Varsovie au sein du Conseil européen. et
Sur la question du contrôle des frontières, plusieurs propositions sont énoncées. La plus complète et plus coûteuse, estimée à 150 milliards par an, consisterait à mettre en place un système de contrôle comparable à celui des Etats-Unis, avec le recours à 100.000 agents.
La Commission préconise par ailleurs que le budget alloué à la recherche et au développement soit doublé, à hauteur de 160 milliards, ce qui permettrait de créer 650.000 emplois d'ici 2040 et de stimuler la croissance du PIB, dit-elle.
COUPES BUDGETAIRES
En contrepartie de ces dépenses, est suggérée une coupe dans les fonds utilisés pour harmoniser le niveau de vie des pays membres. Ces fonds constituent plus du tiers du budget de l'UE et pourraient être réduits d'un tiers, soit 124 milliards.
Cette mesure mettrait fin aux aides allouées notamment à certaines régions de France, tandis que l'Italie et l'Espagne pourraient être les plus touchées par cette mesure.
Une coupe de près d'un tiers, soit 120 milliards, peut être effectuée dans les dépenses liées à la politique agricole commune, dit la Commission.
L'Union européenne doit aussi envisager de puiser dans de nouvelles sources de revenus, comme augmenter son prélèvement sur les permis d'émission de gaz à effet de serre ou bénéficier d'une partie de l'impôt sur les sociétés.
Pour mieux utiliser les fonds disponibles, le prochain budget de l'UE pourrait prévoir des instruments d'ingénierie financière et lever ainsi de nouveaux fonds. Un régime de placement a permis de générer 315 milliards d'euros d'investissement en utilisant 21 milliards de fonds publics.
(Jan StrupczewskiWilfrid Exbrayat et Jean Terzian pour le service français)