Engluée dans la crise de la dette, Athènes aspire à une troisième aide européenne en se prévalant des progrès effectués en matière d'assainissement de son économie tout en s'interrogeant sur la forme et les répercussions de ce prêt.
Après deux prêts successifs de l'UE et du FMI de 240 milliards d'euros au total depuis l'éclosion de la crise en 2010, qui ont permis le maintien du pays dans l'euro au prix d'une grave récession et de mesures d'austérité drastiques, la Grèce se trouve de nouveau devant un trou de financement de 10 milliards d'euros en 2014 et 2015.
Ce chiffre a été ouvertement évoqué dimanche par le ministre grec des Finances Yannis Stournaras en écho aux déclarations de son homologue allemand Wolfgang Schäuble, qui, en pleine campagne électorale allemande, a révélé un secret de polichinelle: la zone euro devra pour la troisième fois mettre la main à la poche.
En soulignant toutefois que le nouveau plan d'aide serait "beaucoup plus modeste" que les précédents, M. Schäuble renvoyait en fait au rapport du FMI qui évaluait début août les besoins du pays à 4,4 milliards en 2014 et à 6,5 en 2015.
"La Grèce aura besoin d'une aide financière car même si les +spread++ (écart de taux entre les pays en difficulté et l'Allemagne) ont baissé, le pays n'a pas intérêt à sortir sur les marchés car il peut bénéficier de taux plus bas par ses partenaires européens", a indiqué à l'AFP Anguélos Tsakanikas directeur des recherches économiques de l'institut patronal grec IOVE.
Le gouvernement grec n’exclut cependant pas un retour sur les marchés au deuxième semestre 2014, "ce qui serait certainement un fort message au niveau politique", poursuit M. Tsakanikas.
Compte tenu par ailleurs de la stabilisation politique et "des progrès" budgétaires du pays, signalés récemment par la troïka des créanciers UE-BCE-FMI, la Grèce pourrait être éligible à un soutien additionnel de la zone euro, tel que prévu lors du sommet européen de novembre dernier.
Des conditions préalables avaient été fixées: la réalisation d'un excédent primaire en 2013 et la mise en oeuvre de réformes structurelles, comme la refonte de la fonction publique ou du système fiscal. Ces conditions devront être remplies, a récemment rappelé Jörg , membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE).
L'ire de l'opposition
Mais l'éventualité d'une nouvelle aide provoque l'ire de l'opposition, et surtout de la Gauche radicale Syriza, qui a accusé lundi le gouvernement de vouloir signer "un nouveau plan de mesures de rigueur" avec les créanciers, "une recette qui a entraîné l'explosion de la dette et la profonde récession".
Le taux de la dette publique en 2013 devrait dépasser 180% du PIB contre 176% prévu initialement, prévient le Syriza alors que M. Stournaras rétorque que cela est dû surtout aux sommes octroyées pour la recapitalisation des banques grecques.
Dans un entretien lundi au quotidien économique Handelsblatt, le ministre grec souligne qu'il y a d'autres possibilités d'aider le pays, comme une baisse des taux des prêts précédemment consentis et l'allongement de la durée de remboursement, ou encore la recapitalisation des banques de façon rétroactive via le mécanisme européen de sauvetage (MES).
Cette dernière solution, qui signifierait une prise en charge d'une partie de la dette grecque par l'Europe, est loin de faire l'unanimité chez les créanciers du pays
"Un nouveau prêt est indispensable pour combler le trou de 10 milliards d'euros mais il va encore alourdir la dette s'il n'est pas accompagné de mesures pour alléger le service de la dette", prévient Kostas Melas, professeur en économie internationale à l'Université Pantion à Athènes.
"Il faut faire en sorte que l'excédent primaire soit utilisé pour l'économie réelle" et non pour le remboursement de la dette, note M. Melas en soulignant que "toute nouvelle mesure de rigueur serait catastrophique" compte tenu de la profonde récession depuis six ans.
L'adoption de nouvelles mesures serait aussi très risquée politiquement pour la fragile coalition conservateurs-Pasok d'Antonis Samaras.
Évoquant "les erreurs" du plan d'assainissement de l'économie, dicté par les créanciers, qui a sous estimé "la particularité de la réalité économique et politique grecque", l'éditorialiste du quotidien libéral Kathimérini Dimitris Tsiodras rappelle mardi que la contraction cumulée du PIB ces dernières années "a atteint 22,6%".
L'éditorial de Ta Néa (centre gauche), plus gros tirage grec, soulignait lundi que "le gouvernement grec devrait réclamer un soutien plus déterminé de l'Europe en excluant de nouvelles mesures d'austérité (...)" car "la Grèce a déjà payé le coût de la récession".