Jean-Marc Ayrault a suspendu mardi l'application de l'écotaxe sur l'ensemble du territoire pour une durée indéterminée, reculant sous la pression du mouvement d'hostilité en Bretagne où les opposants restent mobilisés et réclament sa suppression pure et simple.
A l'issue d'une réunion avec des élus bretons et les ministres concernés, le Premier ministre a annoncé vouloir se "donner le temps nécessaire d'un dialogue au niveau national et régional" sur cette taxe, décidée en 2009 par la précédente majorité.
A priori, cette suspension devrait perdurer pendant plusieurs mois, selon le ministre délégué aux Transports Frédéric Cuvillier.
"Le courage, ce n'est pas l'obstination, c'est écouter, comprendre", a justifié M. Ayrault, dont le gouvernement multiplie depuis plusieurs semaines les reculades sur les sujets fiscaux.
"Suspension n'est pas suppression", a-t-il assuré, un signal au partenaire écologiste qui redoutait une disparition pure et simple de cette taxe sur les poids lourds de plus de 3,5 tonnes.
Le gouvernement ne peut de toutes les manières pas supprimer cette taxe, avait prévenu lundi le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll. Car mettre fin au contrat conclu avec la société chargée de sa collecte Ecomouv' lui coûterait un milliard d'euros dont 800 millions dans l'immédiat.
Pour le secrétaire national d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) Pascal Durand, cette décision "ne va résoudre en rien les problèmes que rencontre la Bretagne". Pour autant, la coprésidente du groupe à l'Assemblée, Barbara Pompili, a clairement exclu une sortie du gouvernement, dont son parti reste "partenaire".
Mais dans l'ensemble, cette décision passe très mal chez les responsables écologistes, associations comme politiques, qui estiment que l'environnement est devenu "le bouc émissaire des problèmes économiques" des éleveurs et des transporteurs.
Reste que le gouvernement a voulu apaiser la colère bretonne, région touchée de plein fouet par la crise de l'agroalimentaire. Et il appelle maintenant au calme.
"Il faut maintenant que chacun soit responsable et arrête de pousser les feux en mettant chacun dans la rue", a demandé la ministre de la Réforme de l’État, Marylise Lebranchu, une des "Bretonnes" du gouvernement, en demandant à la FNSEA de revenir à la table des négociations.
Manif maintenue samedi
Que les élus UMP ne soient pas venus à l'invitation du Premier ministre à Matignon "c'est quand même assez terrifiant parce qu'ils sont aussi responsables de cette situation", a-t-elle déploré.
"Il faut qu'on soit capable d'apaiser et de retrouver la voie du dialogue", a jugé aussi Stéphane Le Foll.
Ce nouveau recul a en revanche été bien accueilli par les élus bretons présents à Matignon comme par les milieux économiques.
Seul élu breton représentant l'UDI, et seul participant de l'opposition à la réunion de Matignon, le député d'Ille-et-Vilaine Thierry Benoit a salué "un geste d'apaisement" de la part du chef du gouvernement.
Le président de la FNSEA, Xavier Beulin, estime lui avoir "été entendu" et assure qu'il sera présent au nouveau round de négociations.
Même son de cloche à la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) qui a toutefois ironisé en affirmant que désormais "toute nouvelle taxe connaîtrait le même sort".
Pour la Fédération Nationale des Transports Routiers (FNTR), il s'agit aussi d'une "bonne nouvelle" car "la date du 1er janvier était irréaliste".
Le président de l'UMP, Jean-François Copé, s'est lui aussi déclaré "soulagé pour les entrepreneurs, les agriculteurs, les Français, que le Premier ministre ait entendu leur cri de colère et leur inquiétude". Il a ajouté que ce report décidé par Jean-Marc Ayrault était une marque de "sagesse".
Mais ce report sine die suffira-t-il à apaiser la situation en Bretagne, une région qui avait massivement voté pour François Hollande en 2012 ? Rien n'est moins sûr.
Les organisateurs de la manifestation contre l'écotaxe samedi à Quimper ont décidé de maintenir le rassemblement.
"Ce n'est pas suffisant, la Bretagne demande sa suspension définitive", a déclaré mardi à l'AFP Christian Troadec, maire (DVG) de Carhaix (Finistère) et responsable du collectif qui a lancé l'appel à la manifestation à Quimper "Pour l'emploi et la Bretagne et contre l'écotaxe".
Mardi, à 18H45, des conseillers de Matignon devaient recevoir des représentants du monde économique breton opposés à l'écotaxe pour expliquer la décision du Premier ministre.
Cette taxe est une mesure du Grenelle de l'environnement mis en place à l'initiative de Nicolas Sarkozy. Elle doit rapporter plus d'un milliard d'euros par an et vise à inciter les entreprises à utiliser des modes de transports des marchandises moins polluants.
Elle avait déjà été reportée deux fois.