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Brésil: les caféiculteurs désemparés face à la chute des prix de l’arabica

Publié le 20/11/2013 18:10

Les cosses noires et sèches se brisent dans les doigts de l’agronome et révèlent des grains vert pâle: "C’est du bon café, il devrait se trouver dans le séchoir, prêt à l’export", se désole Celsio Scanavachi. Mais à cause de la chute des prix, les arbustes sont encore couverts de fruits.

"La productrice a abandonné 40% de la récolte, le prix de vente ne rembourse pas le coût de la cueillette", explique entre les arbustes aux feuilles luisantes le technicien de la coopérative Coopinhal, au nord de Sao Paulo.

Des perspectives de production record dans les principaux pays producteurs (Brésil, Colombie, Vietnam) font plonger le cours de l’arabica depuis plusieurs semaines. Le 7 novembre, à New-York, la livre de café a atteint 100,95 US cents (0,754 euro), du jamais vu depuis 7 ans. Au Brésil, premier producteur et exportateur du monde, les caféiculteurs empochent 70 euros par sac de 60 kilos alors que les coûts de production dépassent les 112 euros dans cette région de Santo Espirito do Pinhal.

"Avec les lois travaillistes de l’époque Lula, les frais salariaux ont explosé, note Daniel Bertelli, gérant de la Coopinhal. Les grandes exploitations, plus au nord, peuvent mécaniser la cueillette et produire pour 280 reais (90 euros) mais ici les parcelles sont trop petites et vallonnées. Les producteurs continuent parce qu’ils n’ont pas le choix, mais ils croulent sous les dettes".

Manque d’argent pour les produits phytosanitaires

L’impasse financière nuit à la qualité des cultures. En agitant les branches des caféiers, Celsio Scanavachi fait s’envoler des dizaines de petits papillons. "Ce parasite aurait disparu si on avait pulvérisé un insecticide à temps, mais l’argent manque pour acheter des produits phytosanitaires", explique l’agronome. D’après l’association nationale de diffusion d’engrais (Anda), les caféiculteurs brésiliens doivent vendre 77% de café de plus qu’en 2011 pour acheter une tonne de fertilisant.

L’agronome recueille aussi des grains piquetés. "C’est le scolyte, un coléoptère qui pond dans le fruit, explique-t-il. Avec tout ce café abandonné il prolifère et ça va affecter la prochaine récolte".

"On a de sérieux risques de revenir dix ans en arrière, avec une qualité médiocre et plus de maladies, pronostique le gérant de la coopérative. Beaucoup d’exploitations familiales vont disparaître dans les cinq ans".

Politique de prix minimum

Pour soutenir ses 290.000 caféiculteurs, le gouvernement de Brasilia propose depuis août d’acheter dès aujourd’hui de l’arabica à 98 euros le sac. Il pratique aussi une politique de prix minimum à terme: si le cours reste bas, les 3 millions de sacs concernés seront achetés aux caféiculteurs à 110 euros pièce en mars 2014.

"C’est mieux que le prix du marché, mais cela nous met en porte-à-faux avec nos exportateurs", nuance Daniel Bertelli. Dans un manifeste récent, plusieurs coopératives exigent également des facilités bancaires de la part du gouvernement. "Si les producteurs étaient moins étranglés par les dettes ils stockeraient leur café en attendant que les cours remontent", assure le gérant de Coopinhal.

Mais les analystes n’envisagent pas d’augmentation à court terme. Galvanisés par les prix élevés de ces dernières années, les producteurs du monde entier ont planté de nouveaux caféiers tandis que le Brésil et la Colombie ont fait des investissements de productivité massifs. "Contrairement à des cultures comme le soja, les caféiers ne sont pas récoltés puis replantés chaque année. Il peut donc se passer longtemps avant que l’offre diminue à cause des prix bas", indique à l’AFP Thomas Pugh, économiste du cabinet Capital Economics.

"Puisque l'excédent d'offre chronique devrait se poursuivre jusqu'en 2014-2015, les prix vont rester sous pression, dans une fourchette de 90 à 120 cents la livre (0,67 à 0,89 euro)", évalue pour sa part Kona Haque, analyste en chef pour les matières premières agricoles chez Macquarie.

L’organisation internationale du café (ICO) estime qu’entre octobre 2013 et septembre 2014 l’offre mondiale d’arabica va excéder la demande de quatre millions de sacs (240.000 tonnes).

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