La livre turque chute, le peso argentin est malmené, l'industrie chinoise dérape: l'inquiétude revient autour des pays émergents, qui confirment leur image de maillon faible pour l'économie mondiale mais dévoilent aussi leur grande diversité.
Les marchés financiers d'extrême-orient ont enregistré de nettes baisses ce vendredi, inquiets d'un ralentissement de l'économie chinoise. La veille, un indicateur avait fait état d'un recul de la production manufacturière en janvier, le premier depuis six mois.
Dans le même temps, la livre turque continuait de plonger pour enfoncer une nouvelle fois ses cours planchers historiques face au dollar et à l'euro, malgré une intervention urgente et massive jeudi de la Banque centrale.
La livre est comme d'autres monnaies de grands pays émergents, fragilisée depuis l'été par le resserrement de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed), qui réduit l'accès du pays aux capitaux étrangers. Elle subit aussi de plein fouet depuis plus d'un mois les effets du scandale de corruption qui éclabousse le Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan.
La Russie en situation de "stagflation"
En Argentine, le peso s'est déprécié face au dollar de 13,9% en deux jours, du jamais vu depuis la crise économique de 2001. Dans un contexte d'incertitude générale sur les réserves de devises, l'inflation et la compétitivité de l'économie argentine, le gouvernement a décidé d'une nouvelle stratégie monétaire, laissant ainsi la monnaie se dévaluer, au grand dam de l'épargnant et de l'investisseur.
L'onde de choc touchait aussi l'Europe et la Bourse de Madrid, exposée à l'Argentine, perdait vendredi plus de 3% en fin de séance dans un contexte boursier européen déprimé.
En proie à une crise politique qui s'est fortement aggravée ces derniers jours et au bord de la faillite, l'Ukraine est sous perfusion d'une aide de la Russie, qui fait craindre qu'elle ne laisse filer ses déficits.
Et la Russie est, elle, en situation de "stagflation", confrontée à un ralentissement de l'économie et à une forte inflation, selon l'analyse de sa Banque centrale.
Le rouble continuait de plonger vendredi, atteignant le plus bas niveau de son histoire par rapport à la devise européenne. La devise russe, qui avait déjà perdu environ 10% de sa valeur en 2013, pâtit depuis le début de l'année de la défiance des investisseurs pour les marchés émergents et du fort ralentissement de l'économie russe.
Mais la croissance dans les économies voisines "d'Europe centrale, dont la Pologne, semble être repartie", souligne la société de recherche en macroéconomie, Capital Economics.
"Les turbulences des marchés en Turquie, en Ukraine et à présent en Argentine ont fait parler d'une nouvelle crise frappant les pays émergents. Mais le monde émergent est devenu bien plus divers au cours de la dernière décennie", a commenté vendredi Capital Economics.
"Risque de bulle financière"
Et d'avertir: "La vraie leçon à tirer de ces récents événements est que la nécessité pour les investisseurs de faire la distinction entre les différents marchés émergents n'a jamais été aussi forte".
En Afrique du Sud, le rand a atteint son plus bas niveau en cinq ans, crevant le plancher symbolique de 11 dollars. Dans un pays qui importe une grande partie de ses produits, cette faiblesse de la monnaie nationale risque de nourrir l'inflation.
Le "I" des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), l'Inde s'est voulue rassurante vendredi au forum économique de Davos, après les secousses sur la roupie en mai dernier. Son ministre des Finances a affirmé que le pays avait pris des mesures pour se préparer à la réduction des rachats d'actifs par la Fed.
Quant au gouvernement chinois, "il semble prêt à accepter une croissance plus réduite mais durable et tant que ce ralentissement ne mène pas à un chômage de masse politiquement dangereux", tempère Robert Wood, économiste à la banque Berenberg à Londres.
Mais "le risque de bulle financière n’est pas à négliger" en raison de "l'expansion du crédit à un rythme excessif" en Chine, met en garde Fabrice Cousté, DG de CMC Markets France.
"Dans un grand nombre de pays émergents et en développement, le renforcement de la demande extérieure émanant des économies avancées rehaussera la croissance, encore que les faiblesses de nature interne restent préoccupantes", avait résumé dans son dernier rapport sur l'économie mondiale, le Fonds monétaire international (FMI).