A l'issue d'une négociation marathon, le patronat et trois syndicats sont parvenus samedi matin à un accord sur de nouvelles règles d'indemnisation du chômage, obtenant un satisfecit du gouvernement, mais avec des mesures jugées "inacceptables" par les chômeurs et une partie des intermittents.
Après des discussions laborieuses, le texte présenté la nuit dernière par le patronat, qui instaure notamment un système de "droits rechargeables" mais durcit le régime des cadres, seniors et intermittents pour dégager des économies, a recueilli un premier avis positif de trois syndicats (CFDT, FO, CFTC). La CGT et la CFE-CGC s'y sont opposés.
Les syndicats doivent désormais consulter leurs instances dirigeantes avant de signer officiellement cette nouvelle convention, qui devra aussi être agréée par l'Etat pour entrer en vigueur le 1er juillet prochain.
Saluant la "responsabilité" des partenaires sociaux, le ministre du Travail Michel Sapin a estimé samedi que l'accord "permettra d'assurer, pour les deux prochaines années, la pérennité" du régime.
Le projet d'accord prévoit de nouveaux droits pour les 2,2 millions de chômeurs, à commencer par la mise en oeuvre "des droits rechargeables", qui leur permettra d'accumuler les droits à indemnisation en cas de reprise d'emploi, alors qu'ils en perdaient auparavant une partie. Cette mesure devrait coûter 400 millions d'euros à l'Unédic.
Selon Stéphane Lardy, de FO, "entre 250 et 300.000 personnes vont ainsi voir leur durée d'indemnisation allongée".
La nouvelle convention prévoit 800 millions d'euros d'économies (400 millions net en prenant en compte les droits rechargeables), autant d'efforts demandés aux demandeurs d'emploi indemnisés car le patronat a obtenu que les cotisations des entreprises restent inchangées.
Pour le Medef, qui a été obligé de revoir à la baisse ses velléités d'économies, "il ne s'agit que d'un premier pas vers une réforme encore à construire", pour "permettre un retour à l'équilibre du régime".
En raison de l'explosion du chômage (3,31 millions de demandeurs d'emploi sans activité fin janvier), le déficit de l'Unédic a atteint 4 milliards d'euros fin 2013.
- 'actions coup de poing' -
Les nouvelles règles découlant du projet d'accord sont "inacceptables", a estimé samedi le Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP), parlant d'un "nouveau recul des droits des chômeurs" et promettant "dès la semaine prochaine" des "actions coup de poing".
Les intermittents du spectacle, fortement mobilisés tout au long des négociations, et une partie des cadres sont les premiers concernés par les efforts demandés. Les cadres touchant une importante indemnité de départ devront désormais attendre jusqu'à 180 jours avant de percevoir des allocations chômage, contre 75 aujourd'hui.
Les intermittents du spectacle verront le cumul des allocations et du salaire plafonné à 5.475 euros bruts mensuels, et leurs cotisations (salariés et employeurs) augmenter. Le gouvernement a accepté samedi l'ouverture de discussions, en vue d'une réforme en profondeur de leur régime.
Se félicitant du maintien de leur régime spécifique, que le patronat voulait initialement supprimer, la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, a affirmé qu'elle serait "particulièrement vigilante" dans le cadre de cette concertation.
La CGT Spectacle a appelé samedi "à continuer la lutte", "pour exiger que le gouvernement refuse d'agréer l'accord".
Après avoir occupé l'Opéra Garnier de Paris dans la nuit de jeudi à vendredi, une centaine d'intermittents s'étaient installés vendredi au Carreau du Temple (IIIe arrondissement). Les militants de la CGT-Spectacle sont partis dans la matinée, mais quelques dizaines d'intermittents occupaient toujours les lieux samedi après-midi.
Les salariés de plus de 65 ans, jusqu'ici exonérés de cotisations, sont eux aussi mis à contribution.
Pour Yves Razzoli, de la CFTC, le texte est "relativement équilibré". Eric Aubin, de la CGT, n'y voit a contrario que "des sacrifices ou des reculs pour les demandeurs d'emploi".
La CGT n'est pas non plus satisfaite de la façon dont a été simplifié le système d'"activité réduite", qui permet à plus d'un million de chômeurs de cumuler petits boulots et allocations. Jugé trop complexe, ce dispositif génère actuellement beaucoup de "trop perçus" que les chômeurs doivent ensuite rembourser.
Les partenaires sociaux n'ont en revanche pas touché aux grandes règles de l'assurance chômage: ouverture de droits à partir de 4 mois de travail, indemnisation selon la règle du "un jour travaillé, un jour indemnisé".
Une fois entérinée, cette nouvelle convention sera valable pour 24 mois.