La Francophonie vit un "tournant" grâce à l'émergence de l'Afrique, et il est essentiel d'"en dynamiser les potentialités" avec une stratégie économique ambitieuse, estime la Canadienne Michaëlle Jean, candidate à la tête de cette organisation internationale.
A 57 ans, l'ex-Gouverneure générale du Canada explique que sa candidature au secrétariat général de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) exprime son "désir", et celui d'Ottawa, "de dire haut et fort que nous pensons que c'est une organisation de qualité et de valeur, dont il faut dynamiser les potentialités".
Avec les résultats économiques "enviables" de l'Afrique, et le doublement attendu de la population de ce continent d'ici 2050, "il faut une stratégie et une pensée économiques francophones pour en tirer le meilleur" face à l'intérêt manifesté notamment par la Chine.
Cette ancienne journaliste, qui à 10 ans a fui son Haïti natal, est convaincue que l'espace francophone vit "un tournant". Cela nécessite "davantage de stabilité et de synergie" au sein de l'OIF avec sa soixantaine de membres, dans une large majorité issus du continent africain.
Consciente que "les défis demeurent" en Afrique, notamment le chômage endémique des 15-24 ans, Mme Jean souhaite ainsi, si elle est choisie fin novembre, "établir une feuille de route pour maintenir l'action politique de la Francophonie" et y adosser "une stratégie économique plus inclusive des forces vives que représentent les femmes et les jeunes".
"Il faudra que l'OIF serve de plateforme et de catalyseur pour une plus grande mise en commun de nos réseaux, de nos connaissances, de nos réalisations, de nos expériences, de nos expertises", confie-t-elle dans un entretien à l'AFP.
Après avoir été Gouverneure générale du Canada --représentante de la reine Elizabeth, chef d’État en titre-- entre 2005 et 2010, Michaëlle Jean est devenue il y a quatre ans envoyée spéciale de l'Unesco pour Haïti. Dans ce pays frappé par un terrible séisme en janvier 2010, "on a préféré encore une fois financer largement quantité d'ONG internationales", plutôt que d'aider à renforcer l'État haïtien et mener des projets à long terme.
"La solidarité c'est bien, à condition qu'elle soit bien ordonnée", une conclusion qui vaut pour de "nombreux autres pays de la Francophonie".
- Déficit de communication de l'OIF -
Tant pour désamorcer des crises que pour être efficace, l'OIF doit "être davantage à l'écoute des signaux que nous donnent les populations elles-mêmes", juge Mme Jean, souhaitant que "toute l'action politique de la francophonie (soit) mieux connue".
Ceci, car "il y a un déficit de communication autour de ce que fait l'OIF".
Alors qu'en Europe comme au Canada, les gouvernements sont confrontés à l'austérité budgétaire, Michaëlle Jean veut "faire plus, beaucoup, mieux, avec ce que nous avons, en créant des synergies porteuses et en mobilisant mieux nos ressources, et bien sûr en étant inventif pour chercher des moyens supplémentaires", notamment auprès du secteur privé.
Quatre autres candidats sont en lice pour succéder à l'ancien président sénégalais Abdou Diouf lors du sommet de Dakar fin novembre, et une règle non écrite veut que le secrétaire général soit une personne du Sud --certains estiment même qu'il doit rester une chasse gardée africaine.
"Je suis à la fois du Nord et du Sud, toutes les portes me sont ouvertes", assure Mme Jean dans son bureau à Ottawa où elle apparaît sur une photo, souriante, aux côtés du Président Barack Obama.
Premier bailleur de fonds de l'OIF, la France ne soutient aucune candidature et se range généralement au candidat de consensus des pays africains.
En visite au Canada, le président François Hollande devait saluer lundi la candidate canadienne lors d'une rencontre avec des universitaires. Chancelière de l'Université d'Ottawa, Mme Jean a "envie de l'entendre sur sa vision de la Francophonie, sur ce qu'il veut de cette Francophonie du XXIe siècle".