Le président de la Confédération Didier Burkhalter a affirmé la "volonté politique inébranlable" de la Suisse de restituer les avoirs illicites aux pays étrangers, à l'occasion d'un Forum arabe sur le recouvrement des avoirs, ce week-end à Genève.
Les ministres tunisien et égyptien ont toutefois regretté que les efforts n'aient pas abouti jusqu'ici.
"La volonté politique du gouvernement suisse est inébranlable. Que cela soit avec l’Egypte, la Tunisie, la Libye mais également l'Ukraine ou Haïti, la Suisse continue à travailler sans relâche et en collaboration étroite avec les pays d'origine des fonds pour apporter des solutions satisfaisantes aux cas en suspens", a déclaré samedi le président de la Confédération helvétique.
M Burkhalter a ouvert une réunion de trois jours du Forum arabe sur le recouvrement des avoirs, qui s'achève lundi et à laquelle participent près de 250 experts de 40 pays pour accélérer les procédures. Il a souligné que la Suisse avait restitué jusqu'ici 1,8 milliard de francs (1,48 milliard d'euros) aux pays d'origine des fonds, soit près du tiers des avoirs restitués dans le monde.
Coprésidents de la conférence, les ministres tunisien et égyptien de la justice ont remercié la Suisse pour ses efforts, tout en regrettant qu'ils n'aient pas encore abouti.
"Les résultats sont bien en deçà des attentes de la population tunisienne. Des Etats ont refusé de coopérer. Mais l'espoir est toujours là", a déclaré le ministre tunisien de la justice Hafedh Ben Salah.
"Le processus n'a pas abouti jusqu'à aujourd'hui. Les progrès sont lents", lui a fait écho le ministre égyptien de la Justice Mahfous Saber Abdelkader.
La Suisse a bloqué en 2011 quelque 650 millions de francs des fonds de l'ex-dirigeant Hosni Moubarak et 60 millions du clan de l'ex-dirigeant tunisien Ben Ali.
En avril dernier, le Ministère public de la Confédération avait décidé le remboursement anticipé de 35 millions de francs à la Tunisie, mais un recours a été déposé devant le Tribunal pénal fédéral par les avocats du clan.
- Long et décevant -
"Il faut être réaliste, c'est long, c'est décevant, mais nous sommes résolus à aller au plus vite (...) c'est complexe de prouver qu'il s'agit de l'argent illicite", a affirmé M. Burkhalter, à la télévision suisse, évoquant "l'argent de la corruption qui finalement est l'argent de l'injustice et de l'affaiblissement du monde".
Il a précisé que dans le cas égyptien, les changements de régime ont refroidi l'ardeur des tribunaux dans les procédures d'entraide judiciaire.
Le ministre égyptien de la Justice a évoqué la possibilité d'un échange de magistrats entre la Tunisie et la Suisse pour qu'ils puissent étudier les législations respectives et "éviter que le dossier soit rejeté après plusieurs mois pour des questions de forme".
Selon la Banque mondiale, l'écart est "énorme" entre les fonds restitués et les 20 à 40 milliards de dollars volés chaque année à leur pays par les élites corrompues des pays en développement.
D'après une étude de l'Initiative pour le recouvrement des avoirs volés (StAR), de la Banque mondiale avec l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), 2,6 milliards de dollars ont été gelés entre 2006 et 2012. Pendant la même période, les pays membres de l'OCDE ont rendu 423,5 millions.
Le Forum arabe sur le recouvrement des avoirs (AFAR) a été créé en 2012 sur une initiative de la présidence américaine du G8, dans la foulée du printemps arabe. Lancé en 2010 en Tunisie puis étendu à plusieurs pays, ce vaste mouvement populaire a abouti à l'éviction de régimes autoritaires en place depuis des décennies.