Des vignes s'étendent à perte de vue sous un chaud soleil près de Casablanca, dans l'un des plus anciens domaines viticoles du Maroc, un pays où la production de vins de qualité augmente, comme la consommation, malgré les interdits liés à l'islam.
"On est indéniablement sur une terre de vignes", lance Stéphane Mariot, originaire du Jura français et œnologue à Benslimane.
"Le Maroc produit aujourd'hui de bons vins, essentiellement pour le marché intérieur, mais une partie de cette production est destinée à l'export, en France notamment", explique à l'AFP ce responsable du domaine Oulad Thaleb, de 2.000 hectares, à 30 km au nord-est de Casablanca.
"Ici, il y a un microclimat qui favorise la production de +vins chauds+, même si on n'est pas loin de l'océan", ajoute M. Mariot, gérant à Oulad Thaleb depuis cinq ans.
A ce jour, près de 400.000 hectolitres de vin, dont plus de 50% de qualité supérieure, sont produits chaque année au Maroc, et l'écrasante majorité (environ 85%) est consommée localement.
Avec plus de 40 millions de bouteilles par an, le Maroc est même parmi les grands producteurs de la région.
Cette production est comparable à celle du voisin algérien (environ 500.000 hectolitres/an).
Autre terre viticole de renom, le Liban, où cette culture est ancestrale, commercialise quant à lui six millions de bouteilles chaque année.
Boulaouane, Benslimane, Berkane, Guerrouane...: en tout, le Maroc compte désormais 14 Appellations d'origine garantie (AOG), cultivées essentiellement dans l'arrière-pays de Casablanca et vers Meknès (centre).
Et une Appellation d'origine contrôlée (AOC),les "Côteaux de l'Atlas".
En mars 2012, une Association des Sommeliers du Maroc a même vu le jour à Marrakech, regroupant une vingtaine de professionnels.
"Viril et chaud"
S'agissant des cépages, ils sont caractéristiques des principales variétés présentes autour de la Méditerranée (Grenache, Syrah, Cabernet-Sauvignon, Merlot..., pour les seuls vins rouge).
Introduit il y a près de 2.500 ans, la vigne marocaine a connu un pic de production au temps des protectorats français et espagnol, le royaume servant de refuge pour des viticulteurs touchés par la maladie du phylloxera. La production était destinée presque entièrement à l'étranger car peu nombreux étaient les Marocains qui consommaient du vin.
Dans les années 50, la production a même dépassé les trois millions d'hectolitres, avant de s'orienter vers le qualitatif.
A Oulad Thaleb, "la plus ancienne cave du royaume encore utilisée", "construite par une société belge en 1923", abrite justement "l'un des vins les plus appréciés du royaume, assurent ses responsables.
Agrippé à un tonneau, l'un d'eux couve du regard un des grands crus, qu'il décrit comme un "vin viril et chaud".
Pour Abderrahim Zahid, chef d'entreprise et "amateur de bons vins marocains", "nous disposons désormais d'un vin mûr dont on peut être fier".
Ces progrès se font pourtant dans un environnement sensible, alors que la vente d'alcool est interdite aux musulmans par la loi marocaine.
Dans les faits, aucune condition n'est exigée par les supermarchés commercialisant de l'alcool, et les bars des grandes villes du royaume se contentent de faire profil bas.
Selon des chiffres non officiels, l'activité viti-vinicole dans le royaume a en outre généré en 2011 des recettes fiscales de plus de 128 millions d'euros, et emploie entre 17.000 et 20.000 personnes.
L'an dernier, le gouvernement marocain, pour la première fois dirigé par des islamistes, a néanmoins décidé d'augmenter la taxe sur les boissons alcoolisées: de 450 dirhams (42 euros), celle-ci est passée à 500 dhs (49 euros) l'hectolitre.
Mais cette augmentation ne semble pas avoir eu d'impact marquant sur la consommation au Maroc, pays de près de 35 millions d'habitants.