La ministre de l'Artisanat a affirmé dimanche son intention d'étendre la limitation dans le temps du statut d'auto-entrepreneur au-delà du seul secteur du bâtiment, alimentant un sentiment de cacophonie gouvernementale face à la fronde des "Poussins".
Chargée de piloter la réforme de ce statut qui permet de créer de façon simple et rapide une entreprise avec un régime fiscal avantageux, Sylvia Pinel a pris, dans un entretien à l'AFP, le contrepied du Premier ministre Jean-Marc Ayrault qui avait tenu deux jours plus tôt des propos inverses.
A la question de savoir si la limitation dans le temps s'appliquerait à d'autres secteurs que le bâtiment, la ministre a répondu sans ambiguïté: "oui".
Invitée à spécifier ses intentions, elle a évoqué "pour schématiser ceux de l'artisanat, ceux où il y a une exigence de qualification, une obligation d'assurance, un enjeu de santé ou de sécurité pour le consommateur".
"Par exemple dans la coiffure, il y a une obligation de qualification professionnelle. Dans le bâtiment -- comme par exemple les électriciens et les plombiers --, il y a une obligation d'assurance et de sécurité pour le consommateur", a-t-elle poursuivi.
Sylvia Pinel a avancé comme autre exemple "la réparation automobile", tout en précisant que cette liste n'était pas exhaustive. "Sinon, on va avoir tendance à considérer que c'est ces trois secteurs là et qu'il n'y en a pas d'autres, alors que l'objet de la concertation, c'est justement de définir les secteurs sur lesquels il y a ces enjeux", a-t-elle ajouté.
Mme Pinel, qui planche depuis plusieurs mois sur le dossier, a proposé dès avril que le régime de l'auto-entrepreneur soit limité en durée, lorsqu'il concerne une activité principale quelle qu'elle soit, afin d'encourager la création à terme de sociétés classiques pérennes et créatrices d'emplois.
Le bâtiment, un simple exemple
Elle a aussi préconisé un accompagnement des auto-entrepreneurs, notamment par les chambres de commerce et d'industrie et les chambres de métiers, une proposition bien accueillie, elle, par les auto-entrepreneurs.
Mais l'idée de limiter le régime à une période "de un à cinq ans" a suscité l'ire de l'Union des auto-entrepreneurs (UAE) et de la Fédération des auto-entrepreneurs (Fedae), autoproclamés "Poussins" en écho à la fronde de patrons plus aguerris rassemblés fin 2012 sous la bannière des "Pigeons".
Le mouvement s'est durci la semaine passée, avec un appel de la Fedae demandant que la ministre soit dessaisie du dossier au profit de sa collègue chargée des PME, Fleur Pellerin.
En marge d'un déplacement en Ardèche vendredi, Jean-Marc Ayrault avait tenté de rassurer les auto-entrepreneurs en assurant qu'une limitation ne toucherait que le bâtiment, où "une concurrence peut s'avérer inacceptable pour les professionnels".
Le statut d'auto-entrepreneur "permet de créer très rapidement une entreprise, donc il faut le sécuriser", avait souligné le Premier ministre.
"Ce qui est proposé, c'est que lorsqu'un auto-entrepreneur dans le bâtiment s'installe, au bout de deux ans, si son entreprise est viable, il rejoint le droit commun", avait-il expliqué.
"Pour tous les autres (...), je pense par exemple à des auto-entrepreneurs qui vont s'installer dans les métiers du numérique, il faut qu'ils soient rassurés, qu'ils soient sécurisés", avait-il ajouté, assurant qu'ils n'avaient "pas d'inquiétude à avoir".
Réfutant l'idée d'une cacophonie, Sylvia Pinel a affirmé dimanche que le chef du gouvernement avait "cité le bâtiment à titre d'exemple parce que c'est un sujet grand public, que tout le monde comprend". "Pour être clair, il a pris cet exemple là, mais ce n'est évidemment pas le seul", a-t-elle assuré.