Le groupe Bolloré a déposé plainte à Paris, soupçonnant un espionnage industriel après que deux Allemands se sont intéressés de très près aux bornes des Autolib' parisiennes, ces petites voitures électriques à disposition des abonnés.
Pointé du doigt, BMW conteste vigoureusement toute malveillance. Le directeur de la communication de la filiale française du constructeur allemand, Jean-Michel Juchet, a concédé auprès de l'AFP que des techniciens allemands avaient, à trois reprises, "branché" en août une voiture pour "un travail de validation et de compatibilité" de bornes actuellement effectué en Europe dans le cadre du lancement de son véhicule I3.
"Nous avons reconnu que dans ce cas précis, on ne les avait pas informés" à Bolloré, explique M. Juchet. Une lettre d'excuse a toutefois été envoyée au groupe depuis.
Mais, a-t-il insisté, BMW n'a rien à voir avec deux hommes, également allemands, interpellés le 5 septembre alors qu'ils s'activaient de manière suspecte aussi sur une borne d'Autolib' dans le XVIIe arrondissement de Paris. Il a assuré que ce jour-là, son entreprise ne travaillait pas avec le cabinet d'ingéniérie allemand P3 Group, auquel les deux hommes ont dit appartenir, selon Le Figaro qui a mardi révélé l'information.
Mystère
Relevant que ces deux hommes avaient, au moment de leur arrestation, du "matériel branché sur nos bornes" et "dit qu'ils faisaient partie de P3 Group", le porte-parole d'Autolib Julien Varin, interrogé par l'AFP, a affirmé que sa société "ne sait pas pour le moment quelles informations ils ont pu récolter ou quelles technologies ils ont utilisées".
"Tout ce qu'on peut dire c'est qu'on (Bolloré) a de l'avance sur plusieurs technologies sur lesquelles nous avons investi beaucoup d'argent, dont la batterie et des systèmes de géolocalisation", a poursuivi M. Varin. Selon lui, "même s'il faut une clé spéciale, des informations peuvent être accessibles à partir des bornes".
Une source judiciaire a confirmé le dépôt d'une plainte contre X, comme l'écrivait mardi par Le Figaro, et ajouté qu'elle visait notamment des faits présumés d'"abus de confiance" et d'"intrusion dans un système automatisé de données".
Pas de poursuites
Placés en garde à vue à la Brigade d'enquêtes sur les fraudes aux technologies de l'information (Befti), les deux hommes ont été relâchés vendredi, sans faire l'objet de poursuites pour l'heure.
Cela fait plusieurs semaines que la direction d'Autolib' s'inquiète de l'attention dont font l'objet ses bornes.
Le 21 août, des "ambassadeurs", des salariés chargés de surveiller le parc et d'aider les usagers, avaient repéré une BMW immatriculée en Allemagne garée sur un emplacement Autolib', dans une station du XIIIe arrondissement, a expliqué à l'AFP le directeur des opérations d'Autolib', Jo Querry.
Deux hommes agissaient étrangement sur la borne. Quand une explication leur a été demandée, les curieux, gênés, ont répondu dans un français très hésitant qu'ils travaillaient pour un constructeur allemand. Les "ambassadeurs" ont relevé leur numéro d'immatriculation et alerté leur hiérarchie.
En analysant les données enregistrées dans la borne, les techniciens d'Autolib'ont pu découvrir que les deux hommes avaient utilisé des badges d'abonnés, souscrits depuis avril au nom de P3 Group, selon Jo Querry.
Tous les "ambassadeurs" du réseau ont été alors placés en alerte. Dès le lendemain, le 22 août, les deux techniciens ont été de nouveau repérés. Mais ils n'ont pas laissé pas à Autolib' le temps d'agir. Ce ne sera pas le cas le 5 septembre, rue Jouffroy-d'Abbans. Quand deux hommes sont de nouveau repérés, "la police est prévenue" et les interpelle, rapporte encore Jo Querry.
Le groupe Bolloré s'est lancé dans les batteries et le stockage d'énergie, une activité dont la vitrine est l'Autolib' -- 1.800 petites voitures gris métal qui sillonnent Paris et sa banlieue. Autolib' revendique 2,8 millions de locations enregistrées. Bolloré va lancer des systèmes d'autopartage à Lyon en octobre et à Bordeaux en décembre.
En février, Vincent Bolloré, saluant "un succès commercial mais aussi un succès technologique", avait annoncé la mise en vente de sa Bluecar, une citadine électrique à quatre places.
En 2012, près de 6.000 véhicules électriques neufs ont été immatriculés en France, dont, selon Bolloré, un tiers sont des Autolib'.