La Banque de France et la Cour des comptes ont à nouveau enjoint mardi le gouvernement à cibler la dépense publique, plutôt que de poursuivre les hausses d'impôts, pour redresser les finances du pays, à la veille de recommandations très attendues de la Commission européenne.
Bruxelles devrait accorder mercredi à la France deux ans de plus, jusqu'en 2015, pour ramener son déficit sous le plafond de 3% du PIB, mais assortir ce délai d'une pression accrue pour la mise en oeuvre de réformes structurelles.
Dans la lettre qu'il adresse tous les ans aux présidents de la République, de l'Assemblée et du Sénat, le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer estime que "l'atteinte des objectifs affichés nécessite à présent de concentrer les efforts sur la dépense publique".
Celle-ci doit être maîtrisée "compte tenu du niveau élevé de pression fiscale atteint et de l'impossibilité d'augmenter les charges des entreprises sans dégrader à nouveau l'activité et l'emploi", écrit M. Noyer.
Parallèlement, à l'occasion de la publication de ses rapports sur la certification des comptes de l'Etat et sur l'exécution budgétaire pour l'année 2012, la Cour des comptes a, elle, enjoint l'exécutif à se concentrer sur les "économies structurelles réalisées dans une perspective pluriannuelle".
Si la Cour reconnaît que la dépense a fait l'objet d'"un réel effort de maîtrise" par l'Etat l'année dernière, elle juge néanmoins cette maîtrise "fragile" dans la durée, tant que l'exécutif ne revoit pas profondément certaines politiques publiques alors que la croissance a été nulle en 2012 et pourrait l'être à nouveau cette année.
"Allongement de la durée de cotisation"
Ainsi, note-t-elle, les recettes fiscales ont été inférieures de 8,3 milliards d'euros à ce que prévoyait la loi de Finances initiale votée fin 2011 sous la présidence Sarkozy, en raison surtout du ralentissement économique. Et ceci malgré nombre de mesures accentuant la pression fiscale en 2012.
La Cour rappelle en outre que les recettes de la TVA ont été inférieures de 5,7 milliards à ce que prévoyait la loi de Finances initiale et encore de 3,5 milliards par rapport à la dernière loi de Finances rectificative, en décembre dernier. Un écart qui peut s'expliquer aussi en grande partie par le climat économique morose.
En citant les opérateurs de l'Etat mais aussi le maquis des aides aux entreprises ou la Défense, la Cour insiste sur le fait que des réformes structurelles sont "seules à même d'assurer une amélioration sensible et continue du solde budgétaire".
De son côté, Christian Noyer propose "un nouvel allongement de la durée de cotisation ou un relèvement de l'âge minimum" de départ à la retraite pour retrouver l'équilibre du système. Il se dit également en faveur d'une désindexation des prestations de l'ensemble des régimes, comme cela a récemment été fait pour les retraites complémentaires.
Le gouverneur de la Banque de France réclame en outre à long terme une nouvelle "baisse tendancielle du nombre de fonctionnaires, qui est en France très élevé au regard de pays comparables".
Sur ce dernier point, la Cour des comptes observe pourtant que la masse salariale de l'Etat est stable, à +0,1%, un chiffre historique, avec 27.000 fonctionnaires en moins en 2012.
Le déficit de la France s'est établi à 87,15 milliards d'euros en 2012, en baisse de 3,6 milliards par rapport à 2011, soit à un "rythme ralenti" puisqu'il s'était réduit de 14,08 milliards d'euros l'année dernière. Il reste au-dessus des objectifs fixés par les traités européens.
"Si on retire 9,1 milliards d'euros dépensés pour recapitaliser Dexia et pour financer le Mécanisme européen de stabilité, la réduction du déficit aurait été plus importante", a réagi Bercy, estimant que le bilan de la Cour des comptes "correspond" à celui présenté par le ministère du Budget.
La Cour a enfin officiellement "certifié" les comptes de l'Etat pour 2012 en exprimant néanmoins cinq "réserves substantielles", dont une concernant les actifs et passifs du ministère de la Défense.