La métropole géante de Chongqing, au sud-ouest de la Chine, a connu un essor économique spectaculaire sous la direction du dirigeant déchu Bo Xilai, mais au prix d'un endettement effréné -- un modèle largement répandu dans le pays.
Bo Xilai, dont le retentissant procès pour corruption s'est achevé lundi, est crédité de la fulgurante métamorphose de Chongqing, dont il avait pris en mains la destinée en 2007, en faisant en quelques années un pôle économique majeur montré en exemple.
Mais le développement de ce territoire d'environ 33 millions d'habitants a été dopé à coup de prêts massifs souscrits par le gouvernement local.
L'endettement cumulé des entités de financement de la municipalité a gonflé de 184 milliards de yuans (22,3 milliards d'euros), soit une ardoise de 750 euros par habitant, selon des estimations publiées par l'agence Dow Jones Newswires.
Les projets ainsi financés sont visibles à travers toute la municipalité, depuis un nouveau système ferroviaire qui quadrille les collines du territoire, jusqu'aux 3.000 km de routes et 48 ponts construits sous la direction de Bo.
L'activité économique dans son ensemble en a profité: Chongqing, municipalité à statut autonome, a été en 2011 la région de Chine enregistrant la plus forte croissance, avec une envolée de 16,4% de son Produit intérieur brut (PIB) selon les chiffres officiels.
Un "miracle économique" en trompe-l'oeil : en résumé la tactique de Bo revient à "prendre d'énormes montants d'argent au gouvernement central, puis les dépenser, améliorer sa ville, et apparaître au final comme un héros", souligne James McGregor, directeur des opérations en Chine du cabinet de conseil APCO Worldwide.
Bo Xilai et le gouvernement de Chongqing "ont oeuvré à plein régime pour remodeler la ville -- ce qui a été fait partout en Chine --, et maintenant (la municipalité) doit acquitter la facture", observe M. McGregor.
Les dépenses de l'ère Bo Xilai étaient aussi au service d'une politique aux accents populistes: l'ancien dirigeant avait ainsi fait construire 34 millions de m2 de logements subventionnés à destination des habitants les plus pauvres.
Le développement économique, allié à la "culture rouge" néomaoïste -- promue par Bo Xilai à grand renfort de chants patriotiques et de visites de cadres dans les campagnes --, lui a valu un large soutien de la population locale.
L'ex-"prince rouge" a par ailleurs contribué à donner le coup d'envoi d'un projet controversé, le gigantesque barrage de Xiaonanhai sur le fleuve Yangtsé, malgré la vive opposition de défenseurs de l'environnement.
"Si Bo n'avait pas pesé de tout son poids, le projet n'aurait jamais été réalisé", a déclaré à l'AFP Weng Lida, ancien directeur du Bureau pour la protection des ressources du fleuve Yangtsé.
Après des années de préparation, les travaux du barrage ont débuté juste au moment où Bo était déchu de son poste, début 2012. Selon des agriculteurs des alentours, le chantier a désormais cessé, mais ils s'attendent à le voir reprendre bientôt.
Des habitants ont par ailleurs indiqué que les chantiers d'autres projets onéreux lancés sous l'égide de Bo étaient au ralenti.
L'esprit de la politique économique de Bo continue cependant de se retrouver dans nombre d'autre provinces et métropoles du pays, et l'explosion des dettes publiques en Chine est considéré par certains experts comme une bombe à retardement.
La nouvelle équipe au pouvoir à Pékin, avec à sa tête le président Xi Jinping investi en mars, a affiché sa volonté de rééquilibrer l'économie chinoise, en mettant l'accent sur la consommation intérieure et en réduisant les investissements dans les infrastructures.
Mais ceux-ci continuent de croître au rythme de 20% sur un an, sans connaître de réelle décélération ; et alors que le pays voit sa croissance économique fléchir, peu de réformes majeures ont été annoncées pour mettre un terme au crédit bon marché qui permet aux administrations de lancer des projets pour stimuler l'activité locale.
"Les gouvernements (locaux et provinciaux) en Chine sont les principaux promoteurs immobiliers dans le monde. Ils bâtissent des gratte-ciels, des places, des routes et des ponts, et (pour ce faire) ils amassent de la dette", a commenté Chen Gong, président de Beijing Anbound Information, un cabinet de conseil pour les officiels.