Les violences en Libye, premier gros exportateur de pétrole à être touché par la contestation qui s'étend dans le monde arabe, inquiètent les marchés et font bondir les cours de l'or noir, même si les approvisionnements ne sont pas encore menacés, selon les analystes.
Le prix du brent de la mer du Nord, le brut de référence, a dépassé lundi les 105 dollars à Londres, un sommet depuis 2008, tandis que son équivalent nord-américain, le "light sweet crude" (WTI) a atteint son niveau le plus élevé en deux semaines, à 89,78 dollars.
"Les violences en Libye sont le principal facteur de cette hausse des prix", relève une note de la Commerzbank, tandis qu'une analyste de Forex.com observe que "l'agitation politique (dans le pays) effraie le marché des matières premières".
"Le marché tient compte du facteur risque", explique Pierre Terzian, directeur de la revue Petrostratégies. "La Libye est un producteur important en Méditerranée, avec une production de plus de 1,5 million de barils par jour (...) et l'impact relatif sur le bassin méditerranéen peut être important", souligne-t-il.
La Libye, membre de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), est l'un des quatre principaux producteurs d'Afrique avec le Nigeria, l'Angola et l'Algérie. Sa production est évaluée entre 1,5 et 1,8 mbj avec des réserves estimées à 42 milliards de barils, selon des données de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) et de l'Agence américaine d'information sur l'énergie (EIA).
Tripoli est surtout un important fournisseur des pays européens, avec plus de 400.000 barils exportés quotidiennement vers l'Italie, 178.000 vers l'Allemagne, 133.000 vers la France et 115.000 vers l'Espagne, d'après des statistiques de 2009.
La situation a conduit plusieurs grandes compagnies étrangères opérant en Libye à annoncer le rapatriement de leur personnel non indispensable dans le pays, une mesure habituelle dans ce type de crise mais qui n'affecte pas pour l'heure la production d'hydrocarbures, selon Pierre Terzian.
"Il y a pour l'instant largement de quoi remplacer les stocks libyens. Si les exportations libyennes s'arrêtaient, il y aurait des problèmes logistiques parce qu'il faudrait les remplacer", estime Christophe Barret, analyste pour le Crédit Agricole à Londres.
Selon lui, les risques de pénurie sont faibles au regard des stocks élevés dans les pays de l'OCDE et des capacités excédentaires de production de l'Opep, qui repose en grande partie sur les capacités de l'Arabie saoudite, premier producteur mondial de pétrole, indique-t-il.
"C'est le Brent qui est principalement touché pour l'instant", souligne David Hart, analyste chez Westhouse Securities, à Londres. Mais, poursuit-il, "si les choses s'agitent, l'impact sur le marché du pétrole deviendra plus large et nous observerons de fortes hausses sur" le brut coté à New York.
Dans ces conditions, le marché scrute les moindres signes de contagion au reste de la région, de l'Algérie, à Bahreïn en passant par l'Iran, tous des acteurs importants dans le secteur des hydrocarbures et où des manifestants réclament des changements politiques.
"Si la Libye plus l'Iran s'arrêtaient pour quelques temps, il y aurait une flambée des prix" sur les marchés, cite à titre d'exemple M. Barret.
"Les choses ne se limitent pas à la Libye seule, poursuit-il. Le marché commence à prendre une vue d'ensemble. Si vous suivez cette sorte d'effet domino et où il mène en dernier recours, alors le risque devient de plus en plus important", souligne de son côté David Hart.