La Banque centrale européenne (BCE) a gardé jeudi son principal taux directeur inchangé sur fond de débâcle budgétaire grecque et de risques de débordement sur d'autres pays de la zone euro, Espagne et Portugal en tête.
Le taux, baromètre du crédit dans les seize pays de l'euro, est fixé au niveau historiquement bas de 1% depuis un an exactement.
Deux fois par an, les gardiens de l'euro se réunissent hors du siège de Francfort (ouest de l'Allemagne). Le rendez-vous à Lisbonne a été pris de longue date, mais entretemps, le Portugal a vu sa dette à long terme dégradée par l'agence Standard and Poor's, comme son voisin l'Espagne.
D'autres rétrogradations menacent, attisant les craintes d'une contagion de la débâcle hellénique aux deux pays ibériques.
"La pression est très forte sur la BCE", estime Gilles Moëc, économiste à la Deutsche Bank. Son président, le Français Jean-Claude Trichet, aura la tâche ardue de rassurer sur la stabilité de l'euro l'euro et sur la jeune Union économique et monétaire, qui traverse la plus grave crise depuis sa naissance il y a onze ans, lors de la traditionnelle conférence de presse suivant la réunion du conseil des gouverneurs.
L'agence Moody's a porté un nouveau coup jeudi, estimant que la crise financière grecque représentait un risque important pour les banques de plusieurs pays européens, dont le Portugal, l'Espagne, l'Italie, l'Irlande et le Royaume-Uni.
L'euro a continué de chuter, tombant à 1,2737 dollar jeudi, son plus bas niveau depuis mars 2009.
M. Trichet devrait laisser ouverte l'option d'acheter des obligations d'Etat européennes, pour soutenir la confiance dans la zone euro. La BCE est réticente à employer cette arme, mais elle pourrait s'avérer nécessaire si la situation venait à dégénérer davantage, estiment les experts.
Il pourrait se justifier en expliquant "qu'acheter des obligations de pays périphériques vise simplement à corriger une mauvaise appréciation des risques par les marchés financiers", estime Jennifer McKeown de Capital Economics. Les pays dont la note a été abaissée par les agences de notation doivent payer plus cher pour emprunter sur les marchés obligataires, ce qui au bout du compte aggrave encore leur déficit.
Mais la BCE pourrait jouer gros dans l'histoire et mettre en danger son indépendance des pouvoirs politiques, estime Marco Annunziata, économiste chez Unicredit.
L'institution a déjà dû effectuer une volte-face embarrassante. Elle a décidé d'accepter les titres de la dette grecque quelle que soit leur notation comme garantie en échange de crédit. Jean-Claude Trichet avait pourtant catégoriquement exclu de faire une exception dans ce domaine pour un pays.
M. Trichet devrait aussi exhorter les gouvernements à prendre leurs responsabilités et appeler de nouveau à une meilleure surveillance budgétaire entre Etats de la zone euro. "Les pays qui partagent une devise commune partagent un destin commun", aime-t-il à souligner.
Les chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro se retrouveront vendredi pour un sommet de crise à Bruxelles. Il s'agit de ratifier le plan de sauvetage de 110 milliards d'euros pour la Grèce et de discuter d'une réforme de la zone euro.
Des voix ont plaidé avant ce sommet pour un renforcement du Pacte de stabilité censé limiter notamment les déficits publics, une position réitérée jeudi par la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Nicolas Sarkozy, dans une lettre commune publiée par le journal Le Monde.