La réforme de la fiscalité est dans sa dernière ligne droite après son adoption en Conseil des ministres et le gouvernement s'est évertué mercredi à contrer les accusations d'un "cadeau" aux plus riches avec l'allègement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
Cet ultime grand chantier économique du quinquennat de Nicolas Sarkozy doit passer d'ici l'été sous les fourches caudines du Parlement. Son vote devrait intervenir début juillet. Ses principales dispositions -suppression du bouclier fiscal et allègement de l'ISF- seront applicables dès le 1er janvier 2012.
La majorité espère se mettre ainsi en ordre de marche pour la présidentielle de 2012, débarrassée du bouclier fiscal devenu un boulet électoral et un symbole d'iniquité. Après avoir résisté des quatre fers, Nicolas Sarkozy s'est finalement résolu à l'abandon de ce dispositif phare des débuts de son mandat.
Pour François Hollande, candidat à la primaire socialiste et féru de fiscalité, cette réforme est surtout un "avantage donné aux très grandes fortunes" de plus de 16 millions d'euros.
Une simulation du rapporteur du Budget à l'Assemblée nationale, l'UMP Gilles Carrez, semble lui donner raison. Tous les contribuables assujettis à l'ISF y gagneraient, y compris les plus gros patrimoines.
"Je ne crois pas que ce soit un cadeau pour les plus riches (...) Il n'y a aucun cadeau à personne", a défendu le ministre du Budget et porte-parole du gouvernement, François Baroin, vantant un texte "équilibré", qui ménage selon lui "justice et compétitivité".
Il a expliqué que le gouvernement avait écarté la création d'une tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu pour les plus aisés "en partie pour des raisons politiques", refusant "un transfert de fiscalité du patrimoine vers une fiscalité qui porterait sur ceux qui travaillent".
Aucune surprise dans la réforme pour le bouclier, qui plafonnait les impôts directs d'un contribuable à la moitié de ses revenus. Il sera définitivement enterré en 2012 lorsque ses bénéficiaires toucheront leurs derniers remboursements, sur les revenus 2010 déclarés cette année.
Sur l'autre volet, l'ISF, quelque 300.000 contribuables y échapperont dès cette année. Tombés dans les mailles du filet avec la flambée des prix de l'immobilier, leur patrimoine était compris entre 800.000 et 1,3 million d'euros.
Pour les quelques 260.000 autres, le taux d'imposition sera de 0,25% entre 1,3 et 3 millions d'euros de biens, et de 0,5% au-delà de 3 millions, contre 0,55% à 1,8% en six paliers jusqu'à présent.
Autre précision apportée mercredi: la déclaration de l'ISF est reportée du 15 juin au 30 septembre, le temps que le collectif budgétaire soit adopté.
Cette déclaration sera également simplifiée pour les contribuables de la première tranche (0,25%) dès cette année, et plus encore l'an prochain. Il leur suffira alors de mentionner la valeur de leur patrimoine dans leur déclaration d'impôt sur le revenu.
Selon les calculs de Bercy, le nouveau barême de l'ISF se traduira dès 2012 par un manque à gagner de 1,857 milliard d'euros pour les caisses de l'Etat.
Le gouvernement s'est engagé à le compenser "à l'euro près". Il espère récupérer 293 millions d'euros qu'il ne versera plus au titre du bouclier fiscal, montant qui devrait atteindre 713 millions en 2014.
D'autres mesures devraient permettre de parvenir à l'équilibre. Les grosses successions seront plus lourdement taxées, tout comme les donations (925 millions d'euros de recettes supplémentaires attendues).
Une taxe frappera les résidences secondaires des non-résidents (176 millions). Une autre visera les exilés fiscaux (87 millions).
Et pour finir, diverses mesures de lutte contre l'évasion fiscale (régularisation, nouvelle taxation des trusts...) devraient rapporter 390 millions. Le solde: 14 millions d'euros en positif, à en croire Bercy.