par Renee Maltezou et Angeliki Koutantou
ATHENES (Reuters) - Les députés grecs ont donné leur feu vert dans la nuit de mercredi à jeudi aux mesures d'austérité draconiennes exigées par les créanciers internationaux d'Athènes, ouvrant la voie à des négociations sur un nouveau plan de sauvetage financier malgré l'hostilité de plusieurs dizaines d'élus de Syriza, le parti au pouvoir.
Le plan a été approuvé par 229 voix contre 64 et six abstentions.
"Nous n'y croyons pas, mais nous sommes contraints de l'adopter", a déclaré le Premier ministre, Alexis Tsipras, avant le vote sur cette nouvelle série de réformes adoptée avec l'appui de l'opposition pro-européenne, ce qui a semé le doute sur l'avenir de son gouvernement. "Je reconnais que ces mesures budgétaires sont rudes, qu'elles ne seront pas bénéfiques pour l'économie, mais je suis forcé de les accepter", a-t-il poursuivi.
Le plan, sur lequel il s'est entendu lundi à Bruxelles avec ses partenaires européens au terme de discussions marathon, prévoit notamment une hausse de la TVA et une réforme des retraites, des règles de négociation collective, du droit de grève et des licenciements collectifs ainsi que des privatisations dont les fruits seront utilisés pour recapitaliser les banques et réduire la dette.
Son adoption à la Vouli ouvre donc la voie à des négociations sur un troisième plan d'aide de 82 à 85 milliards d'euros sur cinq ans.
Zoé Constantopoulou, présidente du parlement et figure de l'aile gauche de Syriza qui fait partie des 38 frondeurs du parti ayant voté contre le compromis de Bruxelles, a dénoncé un "génocide social", au cours du débat qui a précédé le vote, tandis que des manifestants affrontaient les forces de l'ordre sur la place Syntagma.
L'ancien ministre des Finances Yanis Varoufakis, qui a démissionné la semaine dernière, a quant à lui comparé l'accord au traité de Versailles signé en 1919, qui a imposé de lourdes réparations à l'Allemagne vaincue et contribué à l'émergence du nazisme. L'actuel ministre de l'Energie Panagiotis Lafazanis fait également partie des frondeurs, tout comme le vice-ministre de l'Emploi, Dimitris Stratoulis. Tous deux pourraient quitter le cabinet jeudi dans le cadre d'un remaniement ministériel.
LA FRANCE SUR LA MÊME LIGNE QUE LE FMI
Panagiotis Lafazanis assure rester fidèle au Premier ministre mais s'est dit prêt à lui remettre sa démission, comme l'a fait mercredi la vice-ministre des Finances. Nadia Valavania a jugé "impossible" de rester dans un gouvernement qui conduira, selon elle, le pays sur une voie mortifère.
Les ministres des Finances de la zone euro tiendront une téléconférence jeudi à 10h00 pour évoquer le vote du parlement grec.
Le parlement français a lui aussi approuvé mercredi l'accord de Bruxelles, un geste symbolique voulu par le gouvernement pour donner une impulsion au processus. Le vote des députés et sénateurs français, qui ont été les premiers dans la zone euro à se prononcer, n'était pas obligatoire, contrairement à ce qui se passera dans des pays comme l'Allemagne, la Finlande, l'Estonie, la Lettonie, la Slovaquie ou l'Autriche, très réticents envers cette aide.
Le Fonds monétaire international (FMI) est venu ajouter à la confusion ambiante en publiant mardi soir un rapport qui juge la dette grecque intenable et préconise un allègement massif, bien supérieur à celui qu'envisagent les partenaires européens d'Athènes.
La France a emboîté le pas au FMI, le ministre des Finances, Michel Sapin, disant être sur la même ligne que l'institution monétaire tandis que le Premier ministre, Manuel Valls, assurait devant l'Assemblée nationale que la dette grecque serait allégée en la reprofilant.
Sur la défensive, Berlin a assuré que ces données étaient déjà connues des créanciers au moment des négociations et le ministère des Finances a entrouvert mercredi la porte à un allongement de la maturité de la dette grecque.
Dans sa propre évaluation de la situation financière grecque rendue publique mercredi, la Commission européenne exclut aussi une décote de la dette grecque ("haircut") mais juge possible un reprofilage.
La Commission a en outre proposé d'accorder à la Grèce un prêt relais de sept milliards d'euros pour que celle-ci puisse honorer ses engagements financiers immédiats avant la mise en place du nouveau plan d'aide.
LA "CHIMÈRE" D'UNE SORTIE DE L'EURO
L'argent serait débloqué par le Mécanisme européen de Stabilité financière (MESF), un fonds de secours créé en 2010 et qui contient encore 13,2 milliards d'euros, puis le Mécanisme européen de stabilité (MES) prendrait le relais une fois approuvé un troisième plan de sauvetage pour la Grèce, dont le montant pourrait atteindre 86 milliards d'euros, selon un document de la Commission dont Reuters a pris connaissance.
Les Grecs eux-mêmes, lassés par la fermeture des banques et effrayés par la perspective d'un effondrement de l'économie en cas de sortie de la zone euro, sont très majoritairement favorables à l'approbation des mesures d'austérité exigées par les créanciers, à en croire un sondage publié mardi.
Alors que certains dénoncent l'intransigeance des créanciers, dont Alexis Tsipras a déclaré mardi qu'ils avaient envoyé le message "qu'il est inutile d'organiser des élections dans les pays sous assistance financière", d'autres blâment l'inconséquence de leurs gouvernements successifs.
"L'Europe nous a soutenus depuis cinq ans et nous a dit ce que nous devions faire pour nous sortir de cette situation", rappelle Yannis Theodosia, un ingénieur civil de 35 ans. "Nous n'avons rien fait et aujourd'hui nous en payons les conséquences."
(Tangi Salaün et Jean-Philippe Lefief pour le service français)