Le président tchèque Milos Zeman a provoqué une levée de boucliers en prônant un "gouvernement d'experts" comme solution à la crise ouverte par la démission du Premier ministre Petr Necas au milieu d'un scandale de corruption et d'abus de pouvoirs.
M. Zeman, qui doit officialiser sa décision mardi après-midi, a fait cette suggestion dans une interview radiodiffusée dimanche. Il l'a ensuite confirmé lundi, lors d'une réunion tripartite syndicats-gouvernement-patronat, consacrée au salaire minimum.
"Je suis personnellement convaincu que ce gouvernement d'experts, indépendamment de la longueur de son mandat qui pourrait être de trois mois environ en cas d'élections anticipées, pourrait se pencher sur cette question", a affirmé M. Zeman, cité par l'agence CTK.
"Zeman contre tous. Il veut son gouvernement", titrait lundi le journal Lidove Noviny. Selon les principales formations politiques, le plan présidentiel vise avant tout à renforcer le poids politique du chef de l'Etat.
Les partis politiques représentés au Parlement s'y opposent avec véhémence, penchant pour l'organisation d'élections anticipées. La voie la plus rapide serait une autodissolution de la Chambre basse conduisant à de nouvelles législatives 60 jours après.
Une majorité qualifiée requise de 120 voix sur 200 ne poserait aucun problème pour une alliance ad hoc des partis de droite et de gauche. Les élections anticipées pourraient ainsi avoir lieu en fin d'été ou en début d'automne.
Le projet de M. Zeman, vétéran de la gauche, constitue "la solution la moins stable et en même temps la solution la plus avantageuse pour Zeman et son parti (SPOZ)", notait le quotidien économique Hospodarske Noviny.
L'économiste Jiri Rusnok, 52 ans, ministre social-démocrate des Finances en 2001-2002 et de l'Industrie en 2002-2003, aujourd'hui sans affiliation partisane, était cité comme candidat potentiel à la tête d'un tel "cabinet d'experts".
M. Zeman s'est borné à affirmer qu'il avait "en ligne de mire" quatre personnalités "respectées".
La coalition sortante de centre droit souhaite, elle, le maintien du gouvernement jusqu'aux élections normalement prévues en mai 2014, avec à la tête de l'exécutif Miroslava Nemcova, vice-présidente du parti de droite ODS de M. Necas et chef de la chambre basse.
"Au moment où des partis politiques sont prêts à former un gouvernement qui a de bonnes chances d'obtenir au moins 101 des 200 voix des députés, le président ne devrait pas présenter son propre projet", estime le spécialiste du droit constitutionnel, Jan Kysela, de la Faculté de Droit à Prague.
Si le président Zeman s'en tient à son projet, tout indique que la coalition sortante s'alignera sur l'idée de l'opposition sociale-démocrate (CSSD) d'organiser rapidement des élections anticipées, réclamées vigoureusement par CSSD depuis le début de la crise.
"Nous avons fait clairement savoir au président que nous ne soutiendrions pas une telle solution (du gouvernement d'experts, NDLR)", a déclaré lundi Mme Nemcova.
La Constitution permet trois tentatives pour former un gouvernement avant l'organisation d'élections anticipées. Le président désigne le Premier ministre pour les deux premières tentatives, alors que cette tâche revient au président de la Chambre basse pour la troisième.
Mme Nemcova ne cache pas son inquiétude quant aux possibles retombées économiques de la crise: "Le gouvernement d'experts n'aura pas de soutien. Puis, il y a aura des élections anticipées, puis encore la formation d'un nouveau gouvernement, qui sera sous contrainte de temps pour imposer le budget 2014. Le temps passera et les marchés étrangers réagiront", a-t-elle averti.
M. Necas et son gouvernement de coalition, au pouvoir depuis juillet 2010, sont tombés lundi dernier à la suite d'un scandale de corruption politique et de moeurs impliquant son chef de cabinet, Jana Nagyova, présumée être sa maîtresse.
Cette dernière a été interpellée lors d'une vaste opération policière menée au siège du gouvernement, au ministère de la Défense et chez des particuliers.
Mme Nagyova a été inculpée de corruption et d'abus de pouvoir, après avoir notamment recouru aux services du renseignement militaire pour une filature illégale de l'épouse de M. Necas dont il vient de divorcer.