Le groupe Thales traverse plus que jamais des turbulences avec les rumeurs de départ de son PDG Luc Vigneron, auxquelles celui-ci a choisi de riposter en dénonçant une tentative de déstabilisation.
"Une poignée d'individus tente de porter un nouveau coup au groupe... visant à nous déstabiliser", écrit M. Vigneron dans un courrier aux salariés publié sur l'intranet de l'entreprise spécialisée dans l'électronique pour l'aéronautique et la défense.
"Certains qui auraient voulu avoir ma place, d’autres qui rêvent de la prendre, une poignée de consultants coûteux autant qu’inutiles dont j’ai mis fin aux contrats, quelques cadres dirigeants écartés qui ont mis Thales dans une situation délicate, s’échinent à faire croire que le groupe est en péril et que nous n’avons pas de stratégie", attaque le dirigeant.
Ancien patron du groupe d'armement terrestre Nexter, il était arrivé à la tête de Thales en mai 2009 pour remplacer Denis Ranque, poussé vers la sortie par Dassault Aviation, devenu le premier actionnaire privé avec près de 26% du capital après avoir racheté la part d'Alcatel-Lucent au sein du groupe.
M. Vigneron, qui a engagé une profonde réorganisation et un plan d'économies, s'est mis à dos une partie des salariés. Un an après son arrivée, l'intersyndicale dénonçait un "malaise".
Le plan de 1.500 départs volontaires en France, annoncé en novembre, n'a pas arrangé les choses.
"Il y a un vrai malaise. Un patron ne doit pas s'imposer mais composer avec ses salariés", juge ainsi un responsable de la CFDT.
Nombre de cadres dirigeants, dont certains étaient candidats au poste de PDG, ont préféré partir: Alexandre de Juniac (devenu directeur de cabinet de la ministre de l'Economie Christine Lagarde), François Quentin (chez Huawei France), Bruno Rambaud (Rockwell Collins) ou Jean-Georges Malcor (CGGVeritas)...
Dans ce contexte difficile, M. Vigneron a fait l'objet de rumeurs récurrentes de départ, qui se sont de nouveau cristallisées cette semaine.
La Tribune écrivait mardi que le départ du PDG de Thales avait été évoqué lors d'un conseil sur la politique de défense autour du chef de l'Etat Nicolas Sarkozy.
Cette réunion qui s'est tenue le 31 janvier n'a pas débouché sur une décision. Mais "Luc Vigneron a été lâché par l'Etat", déclarait au journal une source anonyme.
L'avenir de M. Vigneron est entre les mains de ses deux principaux actionnaires, l'Etat (27% du capital) et Dassault Aviation. "Le conseil d’administration est derrière nous", affirme M. Vigneron, revendiquant ainsi leur soutien.
Si l'Etat est resté discret, Dassault Aviation a semblé le soutenir en rejetant la responsabilité des difficultés de Thales sur son ancien PDG.
"J’ai été très choqué par les comportements indignes et les pratiques de délation vis-à-vis de la présidence de cette entreprise", a dit le PDG de Dassault Aviation Charles Edelstenne à l'Assemblée nationale le 2 février.
"L’ancien management n’a pas eu la rigueur requise dans une société aussi stratégique", a-t-il accusé.
Parmi les reproches, deux contrats sur lesquels Thales a été contraint de prendre des provisions: le système de gestion de vol de l'avion de transport militaire Airbus A400M et le programme de surveillance maritime Meltem en Turquie.
En attendant, le marché n'apprécie pas le climat d'incertitude qui entoure le groupe, qui a perdu près de 4% en Bourse depuis le début de la semaine.
M. Vigneron, qui ne s'est pas exprimé publiquement cette semaine, devrait en dire plus lors de la publication des résultats annuels de l'entreprise le 24 février.