PARIS (Reuters) - Près de 500 procédures judiciaires ont été engagées à la suite des 2.700 perquisitions administratives effectuées dans le cadre de l'état d'urgence décrété à la suite des attentats du 13 novembre.
"Il s'agit principalement d'enquêtes relatives à des infractions à la législation sur les armes (187 procédures) et à la législation sur les stupéfiants (167 procédures)", précise le ministère de la Justice dans un communiqué.
Cinquante-et-une personnes ont d'ores et déjà été incarcérées - en détention provisoire ou après une condamnation - et 279 enquêtes sont toujours en cours.
Certains responsables politiques, syndicaux et associatifs ont critiqué la portée des perquisitions effectuées et des assignations à résidence prononcées, s'inquiétant de possibles dérives sans lien avec la lutte contre le terrorisme.
Deux enquêtes préliminaires en lien avec le djihadisme ont été ouvertes sur le fondement de ces perquisitions, a-t-on appris de source judiciaire, confirmant une information de Mediapart.
Mais ce chiffre peut évoluer à tout moment, et certaines découvertes pourraient mener à l'ouverture d'autres enquêtes, précise cette source.
Dans un communiqué diffusé mercredi, plusieurs organisations parmi lesquelles la Ligue des droits de l'Homme estiment que leurs "craintes sont aujourd'hui confirmées par l'ampleur des atteintes aux libertés constatées depuis quelques semaines".
MESURES DISPROPORTIONNÉES EN DORDOGNE
"Nous assistons à un véritable détournement de l'état d'urgence qui cible également des personnes sans aucun lien avec des risques d'attentat", écrivent-elles. "Ces abus doivent cesser".
La commission des lois de l'Assemblée nationale, qui a décidé d'exercer un contrôle de l'état d'urgence, a estimé mercredi que "des interrogations manifestes" existaient sur la justification de certaines mesures individuelles ou générales, comme les interdictions de manifester.
"Il est (...) encore trop tôt pour mesurer la tension qui pèse sur l'emploi des forces de l'ordre et qui pouvaient justifier ces mesures (...) Par contre, par exemple dans le département de la Dordogne, les mesures prises apparaissent manifestement disproportionnées", a déclaré devant la commission son président Jean-Jacques Urvoas.
Mardi, devant des journalistes, le Premier ministre Manuel Valls a rappelé que des consignes avaient été données aux préfets pour qu'ils soient attentifs aux conditions dans lesquelles sont menées les perquisitions.
"Plus de 70% des perquisitions concernent l'islamisme radical", a-t-il dit. "Le reste est lié au trafic de stupéfiants et d'armes dont les liens avec l'islamisme radical sont avérés", a-t-il ajouté.
Le Conseil constitutionnel devra se prononcer sur un article de la loi sur l'état d'urgence qui permet au ministre de l'Intérieur de prononcer l'assignation à résidence de "toute personne (...) à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics".
Quelque 354 personnes ont été assignées à résidence depuis la mise en place de l'état d'urgence, selon une synthèse publiée vendredi dernier sur le site de l'Assemblée nationale.
(Chine Labbé, avec Jean-Baptiste Vey et Emile Picy, édité par Yves Clarisse)