Le continent africain a enregistré une croissance prometteuse au cours de la décennie écoulée mais doit investir massivement dans ses infrastructures pour espérer poursuivre sur cette voie, ont estimé mardi de hauts dirigeants à l'occasion des Assemblées de la Banque africaine de développement(BAD).
Ce rendez-vous annuel se tient jusqu'à vendredi à Marrakech, au Maroc, sous le thème "Transformation structurelle de l'Afrique". Plus de 2.500 personnalités y participent, dont des chefs d'Etat.
Mardi, un séminaire en présence du Premier ministre ivoirien Daniel Kablan Duncan s'est penché sur le dossier prioritaire des infrastructures, actuellement "déficientes" selon la BAD.
Si les économies des pays de l'Afrique subsaharienne ont connu une croissance annuelle de près de 5% au cours de la dernière décennie, celle-ci "ne pourra profiter à une couche plus importante de la population (...) qu'à la seule condition que l'infrastructure connaisse une nette amélioration", a notamment relevé l'institution en préambule aux débats.
Commissaire au sein de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest (Cedeao), Ibrahim Bocar Ba, a confirmé le propos.
"Nous avons cinq priorités à la Cedeao. La première est bien sûr la paix. Mais les infrastructures viennent immédiatement après", d'autant qu'elles sont "le moteur de toute intégration régionale, a-t-il noté.
Sur les 51 projets que compte le récent Programme de développement des infrastructures en Afrique (Pida), 21 concernent la sous-région, a ajouté cet ex-ambassadeur malien.
Lancé en 2010, le Pida, chapeauté par la BAD, ambitionne de promouvoir la réalisation de projets d'infrastructures à hauteur de 68 milliards de dollars d'ici à 2020, 360 mds USD à l'horizon 2040.
Comme point de départ de leur réalisation figure, pour la BAD, "la volonté politique et la détermination à agir".
A ce titre, s'exprimant devant les gouverneurs de l'institution, le président rwandais Paul Kagamé a appelé les dirigeants africains à "s'engager fortement en faveur du renforcement de l'intégration économique par le biais de projets transfrontaliers comme les +corridors de transport+ et la fourniture d'électricité et d'eau".
Lors du séminaire, le Premier ministre ivoirien a lui pris l'exemple du projet d'autoroute Abidjan-Lagos.
"L'idée existe depuis plusieurs années, mais il manquait une volonté politique qu'ont récemment manifestée les présidents nigérian et ivoirien", a proclamé Daniel Kablan Duncan.
"Une Cedeao des peuples"
Cette autoroute longue d'un millier de kilomètres, qui implique cinq pays et contribuera à faire "une Cedeao des peuples", doit pouvoir démarrer d'ici 2015, a-t-il assuré.
Son coût est estimé à quelque 8 mds USD, mais le financement n'est pas nécessairement un problème, a-t-il enchaîné.
"Actuellement, le financement est plus aisé" avec la montée en puissance des PPP (partenariats publics-privés, ndlr), a affirmé M. Duncan, selon qui "il est par ailleurs plus facile de monter financièrement des projets transnationaux".
D'après la BAD, l'investissement en capital nécessaire pour mettre en oeuvre le Pida jusqu'en 2020 "est très inférieur à 1% du PIB de l'Afrique".
Pour autant, si "l'aide publique au développement continuera de jouer un rôle important (...), les pays devront mobiliser leurs propres ressources publiques et les ressources privées de leur marché intérieur, ainsi qu'attirer l'investissement privé étranger", ajoute-t-elle.
En cela, l'Afrique peut compter sur l'énorme potentiel d'exploitation que représentent ses ressources naturelles, qui "pourraient financer une part importante du développement des infrastructures", signale la BAD.
"Les infrastructures sont au coeur de la problématique de l'exploitation des ressources naturelles, dont la majorité se trouvent sur des sites difficile d'accès", a abondé le Congolais Kaala Mpinga, patron de la société minière Mwana Africa.
En Afrique de l'Ouest et centrale, "les gisements de fer sont connus depuis 60 ans ou plus et il n'y a pas une tonne qui sort", a-t-il clamé.
M. Mpinga a insisté lui aussi sur la nécessité d'une plus grande intégration régionale --"aucun pays seul n'ayant la capacité de développer les infrastructures"-- et d'un recours accru au secteur privé.
Quant à l'actuel trajet Abidjan-Lagos, il a remarqué avoir été frappé par "le temps passé à chaque frontière".
"Il faut éviter cela pour permettre une circulation rapide", a reconnu le Premier ministre ivoirien. "Un organisme supranational sera amené à gérer ça", a-t-il promis.