La justice américaine a dévoilé mardi "la plus importante" affaire de blanchiment traitée par les Etats-Unis, avec l'inculpation de l'émetteur de monnaie numérique Liberty Reserve et de sept de ses responsables, accusés d'avoir blanchi 6 milliards de dollars en sept ans.
Enregistrée au Costa Rica, Liberty Reserve, créée en 2006, était une plateforme de paiement électronique extrêmement active, utilisant la monnaie numérique du même nom (LR) et permettant d'envoyer sans trace de l'argent de n'importe qui, n'importe où dans le monde, en dehors de toute réglementation.
Elle était devenue "la plaque tournante financière de la cybercriminalité", allant du vol d'identité à la pornographie enfantine en passant par le traffic de drogue et la fraude aux cartes bancaires, selon le procureur de Manhattan Preet Bharara.
Elle comptait plus d'un million d'usagers, dont 200.000 aux Etats-Unis, qui en sept ans ont passé 55 millions de transactions. "Presque toutes étaient illégales", a-t-il ajouté.
Au total, six milliards de dollars auraient ainsi été blanchis.
"Liberty Reserve était essentiellement une banque au marché noir", a déclaré M. Bharara lors d'une conférence de presse, ajoutant que ses serveurs, installés en Suède, en Suisse et au Costa Rica avaient été fermés et son nom de domaine saisi.
L'enquête a été menée par les forces de l'ordre de 17 pays et serait "la plus importante affaire de blanchiment international jamais traitée par les Etats-Unis", selon lui.
Sept responsables ou ex-responsables de Liberty Reserve ont été inculpés: cinq ont été arrêtés vendredi en Espagne, au Costa Rica et à Brooklyn (New York), et deux autres sont toujours recherchés au Costa Rica.
Le fondateur de la plateforme Arthur Budovsky, 39 ans, habitant aux Pays-Bas, a notamment été arrêté en Espagne, et le co-fondateur Vladimir Kats, 41 ans, à Brooklyn.
Utilisé dans de nombreux pays
Les transactions via Liberty Reserve étaient "anonymes et impossibles à tracer", selon l'accusation. Et pour ajouter à l'opacité, les utilisateurs de la plateforme ne pouvaient pas y virer ou retirer directement des fonds, mais devaient passer par des sites "tiers".
Liberty Reserve était utilisé dans de nombreux pays dont le Vietnam, le Nigeria, la Chine et les Etats-Unis.
Budovsky avait déjà été condamné en 2006 à New York pour avoir tenté de lancer une opération similaire, "Gold age". Il avait en 2011 renoncé à sa nationalité américaine pour devenir Costaricien, "afin d'échapper aux lois américaines", selon l'acte d'accusation.
Parmi les inculpés, on compte aussi Ahmed Yassine Abdelghani, qui gérait quotidiennement les opérations de Liberty Reserve jusqu'en 2009, avant de partir après une dispute, comme le co-fondateur Vladimir Kats.
Abdelghani avait été remplacé par Allan Esteban Hidalgo Jimenez. Ces deux hommes sont toujours recherchés.
Les autorités ont également saisi cinq noms de domaine, dont celui de Liberty Reserve et de quatre sites "tiers" contrôlés par les inculpés. Trente-cinq autres sites font l'objet de procédures civiles. En outre, 45 comptes bancaires ont été saisis ou gelés.
Le Trésor américain a également mis Liberty Reserve à l'index comme "une institution dont le but premier est de blanchir de l'argent". C'est la première fois que le Trésor prend des mesures contre une plateforme de paiement électronique ou "de monnaie virtuelle".
"Le Trésor est déterminé à protéger le système financier américain des cybercriminels et d'autres acteurs mal-intentionnés agissant dans le cyberespace, spécialement des institutions étrangères qui facilitent la criminalité en ligne et espèrent échapper aux règles", a indiqué le sous-secrétaire au Trésor chargé de la lutte contre le financement du terrorisme, David Cohen.