Bien implanté déjà dans les usages, le commerce en ligne ne s'est jamais aussi bien porté: au lieu de pousser la porte des magasins, des millions de Français font aujourd'hui leurs repérages sur internet, une façon de faire du lèche-vitrine que facilitent smartphones et tablettes, en permettant des comparaisons entre magasins.
L'année dernière, les dépenses des Français dans les centres commerciaux ont progressé, alors même qu'ils s'y rendaient moins souvent. L'une des explications est qu'ils "préparent davantage leurs achats à partir du net" et limitent donc les repérages en magasin, selon Jean-Michel Silberstein, délégué général du Conseil national des centres commerciaux (CNCC).
"Huit internautes sur dix préparent les achats sur le web", quelque soit ensuite l'endroit où ils achètent, confirme Marc Lolivier, délégué général de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad).
Et un peu plus de la moitié utilisent la Toile pour préparer leurs achats avant d'aller en magasin.
Sites marchands, notes et avis des autres internautes, portails, moteurs de recherche, comparateurs de prix, puis sites de marques, aident ainsi le consommateur à faire son choix.
On assiste aussi à une démarche dans l'autre sens, près d'un tiers des internautes se rendant d'abord en magasin, avant d'acheter sur le web.
"Avant, on allait dans le magasin, on explorait l'offre, éventuellement on passait dans le magasin d'à côté, on finissait par prendre une décision, puis on repartait avec le produit", rappelle Philippe Moati, directeur de recherche e-commerce au Crédoc.
"Désormais, toute la séquence des opérations qui partent de l'expression d'une envie ou d'un besoin, jusqu'à la prise de possession d'un produit", est "décomposable dans le temps et dans l'espace, grâce à l'internet, ce qui rend les comportements de consommation très complexes et gêne considérablement" les vendeurs, relève-t-il.
Il est "réducteur de voir internet juste comme un canal d'achat, c'est beaucoup plus que ça, c'est un canal prescripteur", souligne M. Lolivier.
C'est pourquoi beaucoup d'enseignes traditionnelles, qui avaient été réticentes à lancer un site marchand, ont franchi le pas ces derniers mois, conscientes qu'à ne pas être sur le net, elles risquaient de rater des ventes (stratégie dite multicanal).
Toutefois les visites en magasin aboutissent beaucoup plus souvent à des achats que celles sur les sites d'e-commerce: ce "taux de transformation" est en moyenne de 55% dans les boutiques physiques et de 2% en ligne.
Reste que l'opposition "site internet versus magasin" est devenue "trop binaire par rapport à ce qui se profile: une multitude de modes d'accès à l'information et à l'offre", relève M. Moati, évoquant la possibilité de faire des repérages ou d'acheter avec le téléphone portable, les tablettes numériques, voire la télévision connectée.
"Le portable peut vous permettre également de faire du lèche-vitrine dans l'autre sens", relève également Marc Lolivier. "Vous commencez à voir des gens dans les magasins qui scannent les produits" pour accéder à leur fiche sur internet.
La start-up française Prixing propose ainsi un comparateur mobile géolocalisé et participatif: en scannant le code-barre, ses utilisateurs peuvent comparer avec les prix du net, des magasins alentour, et accéder aux avis de leur communauté sur les réseaux sociaux.
"Ce n'est pas parce qu'on va voir qu'une canette" de soda "est douze centimes moins cher qu'on va prendre sa voiture pour faire 10 km", mais sur un panier de courses, la différence de prix pourrait conduire le consommateur à changer d'enseigne, a estimé Eric Larchevêque, fondateur de la société, lors d'une conférence organisée par l'Atelier BNP Paribas.