Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a violemment critiqué lundi la volonté de la France d'exclure le secteur audiovisuel du mandat de négociations commerciales avec les Etats-Unis, qualifiant cette attitude de "réactionnaire".
"Cela fait partie de ce programme anti-mondialisation que je considère comme totalement réactionnaire", a déclaré M. Barroso dans un entretien publié par l'International Herald Tribune.
Revenant sur ce sujet au cours d'un point de presse, un porte-parole de la Commission, Olivier Bailly, a affirmé que la remarque de M. Barroso ne visait pas la France mais "ceux qui en parallèle ont lancé des attaques personnelles contre le président (Barroso), souvent violentes et injustifiées contre la Commission".
Le porte-parole n'a pas précisé les artistes ou politiques qui étaient selon lui "réactionnaires".
Lors d'une conférence de presse la semaine dernière au Parlement européen à Strasbourg, le réalisateur Costa-Gavras avait estimé que "M. Barroso est un homme dangereux pour la culture européenne". L'eurodéputée Rachida Dati avait quant à elle exigé la démission de M. Barroso, estimant qu'il "se couche devant les Etats-Unis".
"Le président Barroso a toujours affirmé son attachement à l'exception culturelle" et "il n'y a aucune divergence sur le fond entre la Commission et le gouvernement français sur ce point", a affirmé le porte-parole.
Mais, a-t-il insisté, "nous estimons qu'il est de l'intérêt des Européens, citoyens comme entreprises des Etats membres, de faire les efforts nécessaires pour s'adapter à cette globalisation".
Il n'a pas exclu que le secteur audiovisuel soit remis sur le tapis lors de l'ouverture des négociations commerciales avec les Etats-Unis. "Il est clair que la Commission peut à tout moment dans la négociation (avec Washington) revenir vers les Etats membres pour proposer une révision de ce mandat sur toute question", a-t-il dit.
"Il est légitime qu'on laisse la porte ouverte à l'adaptation d'un mandat sur tous les points possibles", a affirmé le porte-parole.
Dans l'entretien publié par le journal américain, M. Barroso a indiqué qu'il était favorable à la protection de la diversité culturelle, mais sans pour cela mettre un cordon sanitaire autour de l'Europe.
Les défenseurs de l'exception culturelle "ne comprennent pas les bénéfices qu'apporte la globalisation (des échanges) y compris d'un point de vue culturel, pour élargir nos perspectives et avoir le sentiment d'appartenir à la même humanité", a-t-il dit.
Réagissant à l'interview de M. Barroso, le chef de file des députés UMP-PPE (centre-droit) au Parlement européen, Jean-Pierre Audy, a qualifié de "curieux" ces propos.
"La Commission européenne ne fait que proposer et ce n'est pas elle qui décide. Il est curieux que le président de la Commission européenne fasse de tels commentaires après les positions politiques claires prises sur ce sujet tant par le Parlement européen que par les gouvernements des États membres", a-t-il dit.
Le député PS Jean-Christophe Cambadélis a estimé que M. Barroso "doit revenir sur ses propos ou partir!".
Après treize heures de négociations ininterrompues, les ministres européens en charge du Commerce extérieur ont donné vendredi soir leur feu vert à la Commission européenne pour qu'elle lance les négociations avec les Etats-Unis sur un nouvel accord de libre-échange. Pour parvenir à l'unanimité, ils ont accepté, comme l'exigeait la France, d'exclure complètement le secteur audiovisuel des discussions.
Au nom des cinéastes européens, les réalisateurs belges Jean-Pierre et Luc Dardenne ont salué une victoire essentielle contre la "marchandisation de la culture".
Le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, qui conduira les négociations avec Washington au nom de l'UE, souhaitait inclure l'audiovisuel dans son mandat, afin de ne donner aucun prétexte aux Américains pour qu'ils continuent de refuser l'accès à certains marchés fermés aux entreprises européennes.
L'Europe reste pour le moment libre de définir sa politique de quotas et de subventions pour le cinéma, la télévision, la musique et la radio, et de trouver comment se protéger devant les nouveaux vecteurs de diffusion et la multiplication des écrans individuels.