Le procès du français Fabrice Tourre, l'ex-courtier de Goldman Sachs surnommé "Fab le fabuleux" et accusé par le gouvernement américain d'avoir trompé des investisseurs, est entré mardi dans sa dernière ligne droite, les deux parties présentant leurs arguments finaux.
M. Tourre, 34 ans, est apparu détendu et sûr de lui sur le banc de la défense, vêtu d'une cravate violine et d'un costume noir.
Le gendarme boursier (SEC) l'accuse de "fraude" lors de la commercialisation début 2007 d'un placement complexe, "Abacus", adossé à des emprunts hypothécaires à risque (subprime), quelques mois avant l'éclatement de la crise du marché immobilier.
Une condamnation du Français serait une victoire pour la SEC, très critiquée pour avoir été incapable d'empêcher la crise, voire complaisante. M. Tourre risque, lui, une amende massive et une interdiction d'exercer des fonctions liées aux marchés.
A coup d'extraits de courriels ou de dépositions et de chronologies diverses, les deux parties ont croisé le fer.
Matthew Martens, l'avocat de la SEC, a dépeint M. Tourre comme un courtier expérimenté qui a agi de lui-même pour induire en erreur un intermédiaire clé, la société financière américaine ACA, sélectionnée pour former un portefeuille d'actifs immobiliers servant de collatéral au produit Abacus.
"C'était une transaction à 1 milliard de dollars pour nourrir l'avidité de Wall Street", a lancé l'avocat aux jurés.
"Conflit d'intérêts"
"Si les produits financiers dont on parle dans ce procès sont complexes, la fraude concernée est elle très simple", a-t-il assuré, expliquant que M. Tourre, qu'il a dans un lapsus appelé "M. Fraude", n'avait formulé que des "demi-vérités" et n'avait pas chercher à corriger les malentendus de ACA sur la position du fonds Paulson.
La SEC a cherché à démontrer qu'un client de Goldman Sachs, le fonds spéculatif Paulson, qui a fait fortune en misant sur l'effondrement du marché des prêts "subprime", avait participé à la sélection des actifs sur lesquels était adossé Abacus, ce qui créait un "conflit d'intérêts" que ACA et les acheteurs du produit ignoraient.
Selon la SEC, M. Tourre a tout fait pour maintenir ACA, et notamment sa directrice des investissements Laura Schwartz, dans l'idée fausse que M. Paulson pariait à la hausse du marché des subprime, et qu'il investissait dans Abacus dans cette idée.
Pour M. Martens, M. Tourre est coupable de "fraude" et de "négligence" face aux investisseurs ayant acheté le produit Abacus, qui ont perdu des centaines de millions de dollars alors que John Paulson engrangeait 1 milliard de dollars de gains et Goldman Sachs 15 millions de dollars de commissions.
De son côté, l'avocat de la défense, Sean Coffey, a assuré que ACA et les acheteurs d'Abacus, la banque néerlandaise ABN-Amro et sa consoeur allemande IKB, étaient parfaitement au courant du fait que M. Paulson pariait à la baisse sur le marché des "subprime" comme en témoignaient de très nombreux articles de la presse financière à l'époque.
"Il est ridicule" de prétendre que ACA ignorait la position du fonds Paulson, a estimé M. Coffey.
Il a rappelé qu'un témoin, Paolo Pellegrini, l'un des employés du fonds Paulson, avait dit sous serment qu'il avait informé Mme Schwartz que Paulson pariait à la baisse sur les subprimes et donc sur le produit Abacus. Il a ajouté que Mme Schwartz avait déclaré elle-même lors de son témoignage qu'elle aurait, le sachant ou non, poursuivi la commercialisation d'Abacus avec Goldman Sachs.
Il a en outre décrit l'allemande IKB comme un investisseur "super sophistiqué" et "grand consommateur" de dérivés hypothécaire, ayant mené sa propre analyse quantitative d'Abacus.
L'avocat compte démontrer que M. Tourre n'a "jamais eu l'intention de tromper les investisseurs".